LE PRÉTENDANT - MITTELEUROPA I 41 économiques dominent toujours les idées politiques. Les partis, qui sont la division naturelle des esprits, sont unis entre eux et divisés contre eux-mêmes par les besoins et les nécessités matérielles. L’Empire n’est lui-même qu’un produit économique garanti par une force militaire. Un disciple de Péguy dirait que, chez les Allemands, l’esprit mercantile a dévoré la mystique. Il y avait donc, au gré des intérêts divers, des continentaux et des maritimes, comme nous le voyons encore aujourd’hui, aussi bien parmi les agrariens de Prusse que parmi les socialistes de Saxe. Mais cette querelle engageait aussi des questions de politique générale, de politique intérieure et de politique extérieure. Car l’une des deux politiques tournait nécessairement l’Allemagne contre l’Angleterre, et l’autre contre la Russie. Dans un élan commun de superbe et de démence, le Gouvernement et le peuple allemands, l’un par l’autre emportés, confondus dans les mêmes passions, ont voulu cumuler ces deux politiques. Les gens du Mitteleuropa, conseillers « actuels » et tardifs, avertissaient doucement l’un et l’autre qu’il faut choisir. La presse allemande posa un jour cette question à la perspicacité de ses lecteurs : Quel est en cette guerre l’ennemi principal de l’Allemagne ? De Francfort à Kœnigsberg et de Cologne à Breslau, on se répandit en propos divers, car à ce moment ce concours entre l’Angleterre et la Russie cachait à la vérité un moyen détourné de discuter les buts de la guerre, sujet réservé au seul Gouvernement, sous la garde de la censure.