LE « DE CUJUS » 99 renseigné que son interlocuteur, manie funeste et contre laquelle on a été au point de prendre des mesures publiques, et la manie d’avoir prédit; ceux qui savent tout le présent quand le vulgaire l’ignore et ceux qui l’ont prédit quand nul ne le soupçonnait. Petits travers d’une grande époque ! Ne nous hâtons pas au surplus de proclamer trop haut la faillite des prophètes qui ont annoncé la dislocation de la Double Monarchie; ils pourraient nous répondre que les cataclysmes ne sont pas encore terminés. J’y compte bien pour ma part, au moins de ce côté. Mais enfin, durant les deux premières années de la guerre, rien ne s’est produit en Autriche de ce qui semblait écrit dans les conjonctions des astres ou dans les grimoires des hommes : mutineries militaires en Bohême assez graves, défections tchèques et yougoslaves pendant la première campagne de Serbie, mais aucune révolte générale ni au royaume de Bohême, ni en pays croate, dalmate ou slovène, ni, on y comptait bien, en Pologne. Sur quoi, délires et transports de la presse allemande du monde entier (car il est une presse allemande jusqu’en de petites villes du San Salvador ou de l’archipel malais). L’Autriche-Hongrie n’était donc pas chancelante : cet empire satellite était solide, ses peuples qui, 'hier, se montraient le poing, se sont confondus avec le même enthousiasme dans la même armée ; l’adoration du souverain leur a fait oublier leurs griefs, et ce n’était que par jeu politique, et pour occuper les loisirs d’une vie heureuse sous une administration paternelle, qu’ils feignaient dans la paix de se déchirer entre eux. Explication grossière et lourde de