GERMAINS ET SLAVES l5 élan de fraternité slave a traversé, de l’Adriatique aux bouches de la Vistule, des conditions politiques diverses et complexes. Sur un point seulement les rancunes semblent fixées, les passions tendues et les menaces directes : chez les Yougoslaves ou Slaves du sud de l’Autriche, chez les Slovènes, surpris de voir réunis dans l’affaire albanaise leurs ennemis italiens et leur gouvernement autrichien, ciiez les Croates exaspérés, qui ont confondu leurs dix années de griefs politiques contre les Hongrois avec les ressentiments séculaires des Serbes contre ces mêmes voisins magyars. Ce bloc de mécontents pèsera lourdement et longtemps sur la politique de Vienne, il y peut déterminer de profondes modifications si les Polonais au Parlement deviennent plus slavophiles que germanophiles, car en un sens, à suivre une question slave, on est presque toujours conduit en Pologne. Nous tenterons en tout cas de marquer et de suivre cette faille géologique qui disloque à l’orient de l’Europe les politiques slave et germanique. Mais au seuil de cette étude, un devoir de critique et de loyauté m’oblige à une déclaration préliminaire d’agnosticisme. Les affaires slaves ne sont pas toujours réductibles à la clarté latine; elles sont toujours infiniment plus complexes que nous ne les apercevons : les Slaves se meuvent à l’aise dans ces riches complications. Il est rare qu’un Français et un Slave n’éprouvent pas d’abord, ne gardent pas ensuite le sentiment d’une vive sympathie intellectuelle : je crois qu’elle vient surtout d’un goût commun pour la générosité de la pensée et d’une promptitude pareille à l’action. Mais cette rapidité