GERMAINS ET SLAVES	9
Bismarck ajoute : « La situation n’a pas changé depuis. »
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  Mais tout ceci est parfaitement rassurant ! Cette revue des chancelleries n’est-elle pas tout à fait pareille à un congrès de la paix, et le chancelier de l’Empire ne fait-il pas figure du premier pacifiste de l’Europe ?
  Or, remarquez, je vous prie, que ce discours que je rapporte fidèlement, en ajoutant seulement quelques observations que le chancelier n’a pas cru bon de faire, est destiné à justifier une augmentation d’effectifs de l’armée allemande de i43.ooo hommes. Les Américains, dans leur argot de bourse expressif, appellent « booms » ces écarts soudains et inexpliqués dans les cours d’une valeur capricieuse. C’est proprement un « boom » militaire à la hausse que le Gouvernement demandait au Reichstag, et j’innocente bergerie diplomatique de M. de Beth-inann-HolIweg n’apparaissait pas comme une préparation directe.
  Mais aussi nous n’avons encore parlé que des gouvernements, et les causes que le chancelier a invoquées pour justifier les armements sont dans les passions populaires. Ces passions sont au nombre de deux, d’origine et de nature fort différentes : le chauvinisme français et le panslavisme. Ce sont les deux seules sources d’inquiétude qu’on puisse apercevoir dans le monde. L’Allemagne n’en connaît pas d’autres, et ce serait seulement ces deux dangers qui aggravent si cruellement les charges militaires de l’Europe.