10 DE LA SUCCESSION d’aUTRICHE à agir s’allie chez les Slaves à une surprenante subtilité d’esprit, une fécondité intellectuelle qui leur l'ait découvrir mille variétés inattendues dans les choses et dans les idées : leur esprit a une merveilleuse facilité pour s’éloigner de celui de leur semblable. L’erreur, que les Allemands commettent souvent, est de les croire par cette raison incapables d’organisation; ils savent au contraire accepter et pratiquer de vastes disciplines. Car ils sont aussi, au moins en Russie, attirés par le goût et l’ivresse des vastes synthèses intellectuelles, dont ils veulent faire de promptes réalités politiques. J’en ai quelquefois éprouvé quelque vertige. Je ne peux pas oublier ma première rencontre avec le panslavisme russe. C’était à Vienne, au temps précisément où le roi de Monténégro mettait en péril la paix de l’Europe en entrant à Scutari : 011 savait alors que cette occupation était glorieuse, mais on ne savait pas encore qu’elle avait été pacifique. Nous étions réunis, quelques Occidentaux, Italiens, Anglais et Français, dans le studio d’un homme qui, par sa fonction, ses informations faciles et nombreuses, l’acuité et la lucidité de son esprit, est l’un des observateurs politiques les plus sûrs de l’Europe. Soudain nous vîmes paraître un homme d’une taille écrasante, non point épais, mais si grand et si fortement charpenté que le plus corpulent d’entre nous semblait fluet auprès de lui. Il montrait des traits gros et puissants dans une barbe qui, bien que parfaitement taillée, semblait, je ne sais comment, rude et inculte. Cet homme, qui avait une lettre d’introduction auprès de notre hôte, nous expliqua qu’il passait à Vienne