LE ROYAUME DU CALICE 181 Et après deux siècles de ce sommeil, au milieu du dix-neuvième siècle, les Allemands retrouvaient leur vieil ennemi tchèque, debout devant eux et ressuscite ! Quand il se réveilla à la voix de François Palacky, le peuple tchèque était une démocratie pure ; sa noblesse était décimée ou germanisée. Comme une démocratie, il apprit son alphabet, ses sciences, sa préparation industrielle et aussi, avec quelle ferveur! son histoire. Il apprit encore, en peu d’années, la vie politique. C’est l’erreur des Allemands où nous les avons suivis, de croire tous les Slaves condamnés aux divisions inguérissables des partis et des luttes personnelles, et de ne voir dans leur histoire que les variations éternelles de leurs églises politiques. Car le sens de l’organisation politique est le propre de l’Allemagne, qui l’a découvert en elle-même de nos jours, après avoir donné au monde le plus long et le plus illustre exemple d’anarchie que l’histoire ait retenu depuis la chute de l’Empire romain. Que le génie des Slaves soit voué aux caprices et aux divisions politiques, jugement un peu court : essayons de pénétrer plus avant. Il est vrai que la vie publique des Slaves aime les divisions d’opinion et engendre en abondance les partis. On le constate aussi bien chez les vieux peuples que chez les jeunes : dans la République polonaise qui a fourni au monde, je crois bien, le type du parlementarisme extrême, aussi bien que chez les Serbes qui ont eu le bonheur de renaître à la vie aux temps du régime parlementaire quasi universel. La flore politique et parlementaire de l’Orient slave, autrichien ou balkanique abonde en espèces et variétés,