98 DE LA SUCCESSION D’AUTRICHE armée de tous les peuples de l’Europe, dans un choc foudroyant des empires, FAutriche-Hongrie dût être brisée en morceaux, nul, je pense, n’en doutait. Ce petit cabaret de verre que Bonaparte, tragediante débutant, avait brusquement jeté à terre à Leoben, pour menacer le plénipotentiaire autrichien arrogant, correct et épouvanté, le destin en avait, au cours du dix-neuvième siècle, quatre ou cinq fois, dans quatre ou cinq crises, ramassé et recollé les morceaux gisants et dispersés. Mais c’était bon, cela, au temps de l’esclavage des peuples, impossible, pensait-on, après la renaissance des nations. Quelle force, dans un cataclysme universel, pourrait retenir ensemble des peuples dont tout le sentiment est de se haïr et toute la politique de se combattre? Nous en étions là précisément de nos réflexions quand la guerre a éclaté, et les événements indociles ont pris un autre cours pour dérouter les prophètes. Raille qui voudra les prophéties politiques, c’est un jeu facile et bien imprudent. Les prophètes, d’ailleurs, ne sont jamais en déroute, et il faudrait qu’ils fussent bien infortunés pour qu’il ne restât rien d’exact de leurs avertissements, ou au moins qu’on n’y pût, après coup, montrer quelque part d’exactitude. C’est un travers assez commun de notre temps que chacun veut avoir prévu, dans l’aveuglement universel, ce qui allait arriver pour le coin du monde ou des choses qu’il observait. La guerre, qui a dévoilé parmi nous tant d’héroïsme dormant et de noblesse latente, a découvert aussi quelques secrets comiques : la manie d’être mieux