LES AFFAIRES DE POLOGNE 75 bourgeoisie que notre histoire ne nous donne pas, et dont nul peuple ne peut se passer dans la concurrence contemporaine. Et puis, ces juifs, que nous repoussons, ils ne sont pas à nous, ce ne sont pas les nôtres, ce sont ceux des Russes qui les refoulent dans le Royaume, et, si par là ils purifient leur race, c’est donc qu’ils adultèrent la nôtre. Il est bien vrai que la cause de l’antisémitisme polonais, c’est l’antisémitisme russe. La condition des juifs en Russie devient pire chaque jour, les villes russes leur deviennent inhabitables, au sens propre et rigoureux, par l’interdiction de séjour : c’est l’exode des juifs russes qui accroît par masses la population israélite des villes polonaises. Le peuple le sait bien, qui appelle les juifs immigrés litwaçy, originaires de Lithuanie. Nous voulons bien, concluent les nationaux-démocrates, vivre avec nos juifs, peut-être même en recevoir quelques-uns de ceux qui viennent de Russie; mais tous à la fois, non pas. Le parti conservateur l’entend autrement. Car, en cette affaire où l’on butte à chaque pas sur les paradoxes, les libéraux, nous dirions les partis de gauche, sont antisémites, et les conservateurs repoussent l’antisémitisme. Je souhaite au jeune docteur en mission en Pologne la même fortune qui m’advint, lorsqu’au Slovo (la Parole), le journal conservateur de Varsovie, j’entendis un bien remarquable exposé de la question juive, devant les principaux du parti. Non, disait le directeur de ce journal, pas d’antisémitisme violent, pas de boycottage, car nous ne voulons pas démentir nous-mêmes les principes que nous recommandons. Nous