l’aigle blanc 2o3 souverain de la justice, les ardeurs révolutionnaires et les souvenirs romantiques se mêlaient et bouillonnaient dans la tête du Français à la pensée que l’un des peuples les plus brillants de la terre en était le plus malheureux. L’éclat de la gloire polonaise étincelait encore au travers des draperies de deuil qui la couvraient, comme dans ces nocturnes de Chopin les voiles de la mélancolie et de la tristesse, un instant écartés, laissent entendre parfois quelque fanfare guerrière aux sons de laquelle nous croyons voir défiler les étendards de velours rouge brodés de l’aigle blanc, les bonnets de fourrure où l’escarboucle attache l’aigrette, les kalpaks, les lances à oriflammes, tout ce tumulte scintillant et bariolé des armées glorieuses du Grand Hetman de la couronne de Pologne. En dépit de la politique qui le plus souvent contrariait cette passion : affection pour un peuple malheureux, images romantiques et mazurkas, tout cela fut furieusement à la mode chez nous un siècle durant. Voilà de fort beaux sentiments, et les plus nobles du monde. Ils nous sont précieux et, si nous en sourions quelquefois, nous les conservons toujours avec fierté dans le trésor des sentiments nationaux. Les Polonais seulement les jugent stériles, et je suis prêt, quant à moi, à les juger funestes, s’ils nous doivent dissimuler la qualité, la gravité et la vérité politiques de la question polonaise. Le Français qui a payé son tribut sentimental à la Pologne se tient quitte et se repose, satisfait, sur sa générosité ; il se rendait compte jadis qu’il y avait là un point délicat à accommoder avec nos alliés russes ; il pense au surplus que c’est une affaire orientale,