124 DE LA SUCCESSION D’AUTRICHE tueuse, massive et puissante, où tout tendait à la force politique de l’État, à la richesse hâtive des sujets, aux États-Unis d’Amérique, nous voyions surgir une élite d’hommes séduits par les élégances du goût, dévoués aux plus hautes disciplines intellectuelles ; nous voyions s’élever des institutions : universités, fondations, destinées seulement à libé-ref le savant, le philosophe de toutes les servitudes pratiques, à assurer la liberté souveraine et désintéressée de ses recherches et de sa pensée. Et nous, qui voyons ici passer toutes les idées qui conduisent le monde, puisqu’elles doivent toutes traverser la clarté française pour devenir universelles, le dernier grand système philosophique que nous avons salué à travers les commentaires généreux et nobles de Boutroux, à travers les images souples et riches qui courent dans les pages de Bergson, ce n’est pas un système allemand, puisque c’est le pragmatisme, qui nous vient d’Amérique. Peut-être l’Histoire dira-t-elle que par une surprenante compensation, l’Allemagne fut entraînée par le poids de sa civilisation industrielle jusqu’au fond d’un vil matérialisme, au moment même où l’Amérique s’élevait de ses origines économiques au rang des grandes nations intellectuelles. Au cours des vingt dernières années, c’est surtout les ambitions du peuple et de la race germaniques que les docteurs allemands ont versées dans le moule de leurs systèmes. Toutes les nations, en quelque moment de leur histoire, ont connu cette ivresse de la puissance, ces espérances insensées de domination; cette crise d’hégémonie aura été pour l’Allemagne, parmi d’autres traits, doctrinale et