LE PRÉTENDANT - MITTELEUROPA 123 la plus illustre génération de philosophes, admirable constellation du firmament métaphysique. L’Allemagne alors colonisait magnifiquement l’Empyrée. Le dernier en date de ces systèmes est sans doute l’œuvre de Richard Wagner, qui porta au théâtre et mit en musique toute la philosophie allemande et bien d’autres choses encore. La prospérité politique et l’abondance des biens méprisables de la fortune n’ont pas détruit, mais semblent avoir transformé l’esprit systématique du peuple allemand. Depuis PEmpire, il a renié la métaphysique et délaissé la raison pure pour s’attacher fortement à la raison pratique. Plus de grands temples consacrés à la philosophie idéale ; l’esprit de système, toujours fort, se porte aux sciences appliquées; s’il construit encore de vastes édifices, c’est dans l’ordre de l’économie politique, avec Marx, Wagner, Schmoller et tant d’autres, dans l’ordre juridique avec Jhering, Stammler, Kohler ou Laband, dans l’ordre des sciences de la nature avec Wundt ou Haeckel. Grand signe, si l’on observe que dans le même temps la civilisation allemande dans tout.es les directions déserte les routes de l’idéal et recherche les fins matérielles. Pour faire entendre qu’une dangereuse prospérité industrielle gagnait ce pays et menaçait ce peuple, qui brillèrent jadis d’un tel rayonnement d’idéalisme par la gloire de quelques penseurs et musiciens, on a dit que l’Allemagne s’ « américanisait ». Quelle erreur ! et qu’une telle formule retarde ! Car au moment où l’Allemagne, qui ne connut jamais l’équilibre, glissait rapidement par ses goûts, ses mœurs et son esprit à une civilisation carthaginoise, somp-