LES AFFAIRES DE POLOGNE 45 resque, c’est mille années de guerres, contre l’Alle-mand d’abord, puis contre le Suédois, le Moscovite et toujours contre le Tartare, Mongol ou Cosaque Zaporogue. Peuple de gentilshommes, armée de cavaliers qui garde l’Europe à l’est et au nord ; au sud aussi, puisque c’est le roi Jean Sobieski qui arrête (i683), sous les murs deVienne, le Turc qui ne va pas plus loin et reculera désormais jusqu’en 1913, de Vienne à la frontière d’Andrinople ou d’Enos-Midiah. Moins d’un siècle après, c’est le premier partage ; suprême éclat avant la suprême catastrophe. La Pologne fut à l’est la marche fidèle de l’Europe, que l’Europe a dépecée. Et parmi tout cela, ces assemblées, diètes et diétines de gentilshommes au costume étincelant, au kalpak à longues plumes, au bonnet de fourrures où scintillent aigrettes et escarboucles, ce peuple innombrable de seigneurs gonflés de faconde hâbleuse et d’érudition latine (*) : des siècles durant, c’est le plus noble tumulte. Dans la guerre, héroïsme séculaire et constant, dans la paix, douceur singulière des mœurs publiques, le Polonais, toujours semblable aux héros romantiques, pratique nat urellement les plus rares, les plus imprudentes vertus, désintéressement, goût des dévouements chevaleresques, dédain du mercantilisme. Par là même il s’éloigne de la réalité. Il s’en éloigne plus encore par son incapacité politique, par la difficulté qu’éprouve son esprit à combiner une vie publique adaptée aux nécessités (1) Cf. dans la trilogie de Sienkiewicz le personnage si vivant de messire Zagloba de Par le Fer et par le Feu.