LES « MUETS » AUTRICHIENS 167 par les vainqueurs. La noblesse tchèque a été exterminée en effet, expropriée ou expulsée au cours de la réaction qui suivit, alors que le peuple perdit ses propres titres de noblesse, ses chartes, ses livres et ses souvenirs. La Bohême, l’une des plus prospères parmi les provinces jésuites, s’endormit alors, sous le sceptre autrichien et la domination de la Compagnie de Jésus, d’un sommeil de deux siècles, enchanté par la musique. Quelques familles aristocratiques survécurent, rapidement germanisées et dont les fils devinrent, au siècle suivant, les meilleurs serviteurs de l’Empire, sous l’uniforme blanc ou les chamarrures des chancelleries. Riches de terres et d’honneurs, ils vivaient dans leurs châteaux de Bohême ou de Silésie, ou dans leurs palais de Vienne, dont les murs ornés en rocailles ont recueilli les premiers échos des violons de Haydn et de Mozart. Quelques-uns ont conquis l’immortalité, assurés que la postérité lira leurs noms en tête des sonates et des quatuors où Beethoven, qui les leur dédia, les fixa pour l’éternité. L’un de ces palais, celui des Lobkovitz, était la résidence de l’ambassade de France avant qu’on eût entrepris de bâtir la grande demeure de la place Schwarzenberg, sans doute pour démontrer aux gens de Vienne que les Français s’entendent parfaitement à l’art muni-chois. Deux siècles durant, ces grands seigneurs ont cté pénétrés, dans la demi-oisiveté des grandes charges, de l’esprit autrichien, de son utile docilité confessionnelle, de sa faculté diplomatique d’accommodements et d’opportunisme, de sa souplesse dédaigneuse couverte d’une apparente raideur doc-