IMA GES VÉNITIENNES Oui, ne sera t-il pas temps de s’abriter dans cette cahute mouvante et close quand l’intarissable pluie ruissellera du ciel gris, quand souffleront de la terre ou de la mer la rude Bora ou le perfide Garbino; quand les épais brouillards envelopperont la Venise de novembre de leur voile mouillé qui semble être quelque prodigieux ouvrage de verre ou de dentelle aux fils vaporeux ou cristallins; quand les cloches des campaniles sonneront sourdes ou brusques dans l'air assoupi ou tumultueux; quand, dans les salles froides des grands palais, les pendeloques des lustres sembleront des congélations suspendues ; lorsque nous rencontrerons dans les calli des gens emmitoufflés dont le nez rougi imitera celui d’un masque de carnaval et que nous-mêmes, après quelque promenade où nous aurons essayé de nous dégourdir les jambes en montant les marches des ponts et en faisant résonner du talon les dalles sonores des campi, nous regagnerons, transis, la gondole qui nous aura attendu à l’escalier de quelque petit quai? Ne sera-ce pas alors que nous serons heureux de nous blottir dans l’étroite boîte du felze que nous méprisons aujourd'hui? — 93 —