IMAGES VÉNITIENNES Approchons-nous : les vieux portraits aiment qu’on leur parle et ils ont parfois des sourires que l'on n’oublie plus. Elle était belle et riche, sans doute, car sa robe est d’une très somptueuse étoffe. Ses cheveux sont peignés avec art et arrangés en une coiffure compliquée. A son cou, qui est blanc, rond et un peu gras, s’agrafe un collier de jaseran. Le fermoir en est un pendentif où le joaillier a fait d'une grosse perle baroque le ventre bos-sué d’un scorpion d’émail. Elle a le visage doux et clair, la bouche petite et rouge, mais ses yeux sont mélancoliques. Oui, et son regard ne va pas à ce qui l’environne. Il est indifférent aux meubles vermoulus, aux porcelaines ébréchées et même aux toiles d’araignées qui pendent dans les recoins obscurs de la boutique. La dame contemple ses mains qu’elle a posées sur ses genoux, ses mains sans bagues, mais dont les doigts délicats tiennent un petit médaillon ovale où l’on distingue un portrait en miniature. — 60 — \