IMAGES VÉNITIENNES dole attend entre les pali. Je m’installe sur ses coussins de cuir noir. A la proue, le fer tranchant se recourbe hardiment. N'est-ce pas lui qui semble avoir coupé à travers Venise les luisantes entailles de ces canaux que borde çà et là, de sa plaie mal cicatrisée, quelque rouge façade de palais ? N’cst-ce pas lui qui a déchiré, d’un sillage vite recousu derrière moi, l’étoffe satinée de la lagune ? Où irais-je? Chercher la nuit dans les sombres rii ou l'attendre au Lido où elle est plus lente à venir? Toute Venise est à moi, aussi bien les vastes eaux qui l’environnent que celles qui la pénètrent, la divisent et la morcellent. Mais aujourd'hui, je n’ai pas envie de m’isoler en leurs détours ou de voguer sur leur étendue. Aujourd’hui, j'ai besoin de mouvement et de clarté. Les lumières de la place Saint-Marc m’attirent. C’est là que se concentre le peu de vie qui reste à la ville mélancolique. O Piazza, ô Piazzetta, je veux écouter sur vos larges dalles le piétinement des promeneurs. Je veux être coudoyé aux devantures des magasins et que le marchand me propose comme à un touriste ses photographies et ses mosaïques.