LE ROYAUME DU CALICE 179 Jean Huss est le premier des martyrs de l’Autriche germanique. A l’autre extrémité de cette chaîne se tient pour le moment, hélas ! Gesare Battisti, dont le supplice a secoué l’Italie d’un frisson oublié et lui a rendu présente la figure abhorrée de l’Autriche, l’Autriche des prisons et des gibets. Autour de l’empire des Habsbourg, la ronde des martyrs tchèques, italiens, serbes, roumains a soulevé à travers les siècles le cercle des haines nationales. De tous, le sang de Huss laissa les traces les plus durables. Il en coûta à la Bohême vingt années de guerre, à l’Allemagne vingt années de terreur, dont l’épouvante retentit encore à travers l’histoire. Le dossier des atrocités des guerres hussites est fort lourd et le rapporteur du temps, charmant humaniste qui devint pape, Æneas Sylvius Piccolomini, dans sa partialité germanophile, en a accablé les Tchèques. Les torts furent sans doute partagés en cette lutte religieuse : car on pensait, avant 1914» que les guerres de religion, plus que les autres, portaient avec elles un caractère d’inexpiable férocité. Mais la vérité est que les troupes puritaines de Jean Zizka, le chef borgne, et des deux Procope, tantôt serrées dans la citadelle naturelle de leur pays et retranchées derrière leurs chariots, tenaient en échec les Allemands auxquels se joignaient toujours les Hongrois et parfois, hélas ! les Polonais, tantôt lancées en colonnes promptes et foudroyantes, comme deux siècles plus tard les armées de Gustave-Adolphe, dévastaient la Bavière, ravageaient la Saxe, menaçaient le Brandebourg, foulaient toutes les Allemagnes. L’esprit religieux et l’esprit national