IMAGES VÉNITIENNES Quand nous aurons dépassé la petite île de San Giorgio in Alga qui émerge solitaire avec son bouquet d’arbres et son mur rouge à l’angle duquel se dresse une Vierge de marbre debout sur le ciel clair, nous apercevrons la terre basse et les pauvres maisons de Fueine, car c’est là que nous allons et que nous entrerons dans la douce Brenta aux ondes lentes qui traverse tant de villages aux noms sonores et charmants, la Brenta aux sages écluses qui, comme des marches d'eau, nous mèneront jusqu’à Strà, au pied de la vieille et majestueuse demeure des Pisani. N’est-ce pas, en effet, en vue de la visiter que nous avons quitte Venise de bon matin, pour nouer, comme un ruban de plus autour de son image, le long fil de la molle et fameuse rivière, et pour suspendre dans notre mémoire, ainsi qu’une rare et baroque pendeloque, le souvenir de la villa pisanienne? Entre ses rives herbues, la Brenta coule maintenant unie et lisse. A droite, à gauche, s'étendent des terres plates. Le gai feston des vignes y alterne, çà et là, avec le feuillage gracieux des peupliers et la stature monacale des cyprès. La brume marine s’est entièrement dis- — 108 —