LE STRATAGÈME tête chargée du chignon qui gonfle; agent de police aux lourdes semelles qui fait sa ronde, le manteau aux épaules, coiffé d’un tricorne de sbire de comédie, et qui remet dans le bon chemin un groupe d’étrangers. Le « Baedeker » sous le bras, ils vont de l’Académie à la Salute ou se dirigent vers les Gesuati, à moins qu’ils ne cherchent à travers les calli enchevêtrées le traghetto San Gregorio. Car c’est en ce quartier de Venise, dont le triangle, fermé par le Rio San Trovaso, porte à sa pointe la Dogana di Mare et sa Fortune d’or qui vire au vent, entre les Zattere et le Grand Canal, c’est en ce quartier, si mélancolique et si solitaire, où la Badia cache son cloître humide et charmant, où la pauvre église de Santa Agnese montre à découvert dans son petit campanile sa grosse cloche qui s’agite, c’est là, entre le Campiello Barbaro et le Campo San Vio, sur les Fondamenta Venier qu’est la maison où j’habite, — où j’habite, plus heureux qu’un Doge. Je l’aime, cette maison. J’aime sa façade jaune, ses — 71 —