IMAGES VÉNITIENNES lointaines. Elles se mêlaient sans se confondre et je les distinguais exactement les unes des autres. De toutes, on eût dit que leur métal contenait un imperceptible alliage de verre. L’air apportait certains de leurs sons si clairs et si fragiles qu’ils semblaient se briser à l'oreille. Et, quand elles s’étaient tues, on conservait dans sa mémoire tout un bouquet cueilli de fleurs sonores. Lorsque les cloches cessaient de me visiter, je ne restais pas seul. S'il m’arrivait de fermer les yeux, de fatigue ou d’indolence, je trouvais sous mes paupières closes le souvenir de la ville magique. 11 se précisait en mille images continuellement renouvelées. Venise m’offrait ses aspects les plus délicats et les plus splendides. C’est alors que je l’ai connue vraiment et qu’elle m’a favorisé, si je puis dire, de sa plus mystérieuse présence. Aussi, désormais, est-elle un peu pour moi comme ce portrait qui orne une des galeries du vieux palais et devant lequel je m’arrête, chaque fois que je rentre après une des longues promenades où je reprends des forces peu à peu. Elle est comme ce portrait qui représente une — 104 —