L’HIVER A Charles Verrier. Il fait froid dans cette Venise où j’erre à travers le dédale des rues étroites et des canaux compliqués. Le vent parfois souffle fort sur la place Saint-Marc et sur les Zattere. C'est l’hiver, et pourtant est-ce bien lui cette lumière admirable, cet air transparent et coloré où les objets apparaissent nets, solides et vivants? Certes, la bise rougit le nez des bons Vénitiens, mais ce fard contribue à donner à leurs visages je ne sais quel aspect de masques de carnaval. Les femmes serrent à leurs hanches les plis des châles, si élégants sur leurs épaules étroites. Les façades des grands palais se mirent dans l’eau verte ou grise et la teignent de leurs reflets. Jamais je n’ai mieux senti la beauté de Venise. Elle s’est dépouillée de son sentimentalisme et de son romanesque et ne conserve, des mélancolies un peu emphatiques de l’automne, — 101 —