LA SAGESSE DE CECAUMENOS menos l’estimait suffisante, et l’appréciait d’autant plus qu’elle lui donnait de bons revenus. Car ici, plus encore peut-être que dans le gouvernement de la vie publique, la ques tion d’argent prend aux yeux de ce gentilhomme campagnard une importance essentielle. Sans doute, il est bon, il est recom-mandable d’être pieux, d’être charitable, de ne point laisser molester les gens de son voisinage ; on lit quelque part chez notre auteur cette maxime vigoureuse : « Celui qui voit commettre l’injustice, et qui ne proteste point, est un vrai diable. » Mais ces élans sont rares chez notre homme. Sa prudence avisée l’incite à ne point se faire d’affaires, à ménager les voisins puissants, à se concilier leur bonne grâce par des cadeaux opportunément envoyés. Le métier de redresseur de torts ne tente que modérément son cœur peu chevaleresque; il a l’âme de Sancho plus que celle de don Quichotte. Mais surtout son bon sens pratique l’engage à être économe et bon ménager de son bien. Emprunter de l’argent lui paraît chose fâcheuse, pénible par les démarches qu’elle comporte et les refus auxquels elle expose; mais prêter de l’argent lui semble chose bien plus fâcheuse encore, et il a plaisam-