348 HISTOIRE DE VENISE. promettre, toujours d’après les ordres du tribunal, la continuation des libéralités de la république, en reconnaissance de scs bons offices. Il ajoutera avoir reçu la parole de ce ministre de se montrer à l’avenir constamment favorable à nos intérêts, sauf à ne laisser paraître ces nouvelles dispositions que graduellement, pour éviter de se rendre suspect par un changement subit. Ce rapport sera rédigé de manière que s’il vient à être connu, il puisse parvenir à la cour à laquelle appartient ce ministre, par l’ambassadeur de cette cour résidant à Venise, ou par quelqu’un des ennemis que le ministre pourrait avoir; et si nos successeurs jugeaient à propos de faire arriver plus promptement cet avisjusqu’aux oreilles du prince intéressé, ils pourront à cet effet se servir du prélat affidé de l’inquisition d’État, en lui donnant une copie du rapport arrangé comme 011 vient de le dire, et en le chargeant de le communiquer très-mystérieusement au nonce, qui ne manquera pas d’en faire part à l'ambassadeur de cette puissance résidant à Venise, ou de l’envoyer à Rome. Ainsi le ministre mal affectionné pour la république perdra le pouvoir de lui nuire, parce que tout ce qu’il pourra dire contre elle passera pour l’effet du ressentiment, et non d’un zèle désintéressé pour le service de son maître. !>” Le service public exige souvent que les fonctionnaires employés au dehors, du moins ceux qui sont revêlus d’une importante dignité, s’empressent de faire disparaître un coupable, ou parce qu’il est à la tête d’un parti, ou parce que les circonstances n’admettent point les délais qu’entraîneraient les formes de la justice ordinaire, toujours lente par elle-même et sujette à des appels qui donnent au coupable le tempset l’occasion de se sauver. D’un autre côté, on s’expose à un inconvénient sans remède en déliant les mains aux fonctionnaires, si on ne prend des précautions pour s'assurer qu’ils n’useront pas de leur autorité capricieusement : il est possible qu’ils se laissent entraîner par la passion et qu’ils abusent d’un si grand pouvoir. En conséquence il est arrêté que lorsque les conseils auront nommé à des charges importantes, le tribunal examinera attentivement la conduite et le caractère de ceux qui en auront été pourvus, s’ils sont exacts observateurs de la justice, ou enclins à se laisser emporter par leurs affections, ou accessibles à l’intérêt, ce dernier défaut devant sullirc pour les rendre inhabiles à exercer jamais une autorité affranchie des formes légales. Mais s’il résulte de cet examen que l’un des fonctionnaires nouvellement nommés, soit un homme d’une droiture et d’une intégrité reconnue, le tribunal lui conférera secrètement le pouvoir d’agir arbitrairement, sans égard à aucune règle et comme pourrait le faire le tribu- nal lui-même. Cependant cette faculté sera restreinte en ce qu’il ne pourra en user qu’une fois, sur une seule personne, dans un cas imprévu, important, et où la lenteur des voies ordinaires pourrait mettre en péril l’intérêt public. Lorsqu’il aura fait usage une fois de cette autorité, il devra en rendre compte au tribunal et lui’adrcsscr toutes les pièces de l’affaire. Le tribunal les examinera attentivement, et si les trois membres reconnaissent unanimement que cette forme sommaire et extrajudiciaire ait été employée à propos et dans l’intérêt public, cette déclaration sera constatée, et le fonctionnaire sera autorisé à user une seconde fois des mêmes moyens si le cas le requiert ; sauf à envoyer toujours les pièces du procès, pour que les mesures puissent èlre approuvées ou improuvées par le tribunal. Si elles sont approuvées, on pourra renouveler une troisième fois la même autorisation sous les mêmes conditions. Si, au contraire, la conduite du fonctionnaire était désapprouvée une seule fois, ce pouvoir arbitraire ne pourrait plus lui être conlié, ni dans sa charge actuelle, ni dans les autres emplois auxquels il pourrait être appelé à l’avenir, et le fonctionnaire serait déclaré pour toujours incapable d’élre investi de cette autorité, afin qu’il ne soit pas possible d’en user mal plus d’une fois. Mais si le tribunal découvrait qu'il en eut fait un mauvais usage sciemment et par malice, le fonctionnaire, à son tour, serait puni des peines les plus sévères pour cet abus sacrilège de l'autorité publique. Lorsque l’abus ne pourra être attribué qu’à l’ignorance, on ne prononcera contre le fonctionnaire d’autre peine que la déclaration d’incapacité dont il a été parlé ci-dessus. Lorsque le tribunal conférera ce pouvoir illimité à quelque fonctionnaire, au moment de sou départ pour sa mission, la délibération sera signée par les trois inquisiteurs; le fonctionnaire sera tenu de jurer de n’en faire usage qu’avec équité, sans passion. On l’en déclarera responsable devant Dieu et devant le tribunal; et pour son information, il lui sera donné lecture du présent article. État des fonctionnaires auxquels seuls cette autorité pourra être accordée, si d'ailleurs ils ont les qualités personnelles requises. Tous les généraux de terre et de mer; Les ambassadeurs ordinaires à Rome et à Vienne; Tous les ambassadeurs extraordinaires près les têtes couronnées ; Les recteurs de Padoue et de Brescia. 6° Il arrive souvent que les ambassadeurs des princes étrangers sollicitent la gràcc de quelque banni, et que l’autorité publique se prête à l’accorder. La prudcncc conseille de tirer quelque parti de la facilité avec laquelle ces demandes sont accueillies. Eu