170 HISTOIRE DE VENISE. sentait aux spéculateurs diminuait considérablement l’afduence des marchandises et des étrangers à Venise, où la législation des douanes était très-ri-goureuse. Les négocians représentèrent qu’il fallait subir la loi de l’exemple, sous peine de ne plus voir ce port fréquenté par les étrangers; déjà, dans les temps antérieurs, ce système de la franchise du port avait été essayé. Dès 1G58, on avait supprimé tous les droits d’entrée pour les marchandises qui arrivaient par mer, à l’exception des draps étrangers, qui restèrent prohibés; 011 avait maintenu d’abord les droits de sortie, mais ils furent encore supprimés quelque temps après. O11 avait espéré que les bénéfices des manufactures vénitiennes compenseraient le sacrifice que le fisc voulait bien s’imposer. Les effets de celte mesure ne répondirent point à ce qu’on s’en était promis ; on fit, en 1G82, la comparaison des marchandises sorties du port de Venise, depuis qu’il était franc, avec celles qui en sortaient précédemment, et on reconnut que les exportations avaient diminué, et que le trésor avail éprouvé un dommage considérable. Les droits furent rétablis, et la franchise supprimée en 1G89; mais les droits d’entrée furent réduits de six pour cent à quatre. En 1717, en 1750, 011 proposa de modérer les tarifs ; 011 sentait qu’il était difficile de les laisser subsister, depuis que d’autres porls étaient en concurrence avec celui-ci. Le commerce renouvela ses sollicitations en 1755; il demandait que toutes les marchandises pussent sortir librement de Venise sans payer aucun droit, sans être assujetties à aucune formalité; cette question fut longtemps agitée, et un décret du mois de juillet 1755 rejeta de nouveau cette proposition. Enfin l’année suivante, les instances s’étant renouvelées, le sénat, après une longue délibération, céda à la nécessité et composa avec les circonstances, malgré l’opposition du sénateur Trono, qui parla pendant six heures contre le nouvel ordre de choses qu’on voulait établir. Il fut réglé que Venise serait un port franc, non pas dans toute l’étendue de ce mot, et avec une exemption absolue de toute charge et de toute surveillance, mais avec des modifications telles qu’011 pouvait espérer d’attirer les étrangers, malgré la franchise des ports de Trieste et d’Ancône. Une magistrature fut instituée pour veiller aux intérêts du commerce. Ce conseil proposa au sénat de réduire les droits d’entrée à un pour cent, et les droits de sortie à demi pour cent, mais seulement pour les marchandises du Levant qui arriveraient à Venise sur des bâtiments vénitiens, et pour les marchandises du Ponant, arrivant sous pavillon étranger. Les marchandises venant du golfe ou du Levant sur des vaisseaux autres que les navires vénitiens, restèrent soumises aux farifs existants. Les soins que le pape Clément XII donnait aux intérêts commerciaux de ses sujets, alarmèrent de nouveau les Vénitiens, lorsque ce pontife établit une foire à Sinigaglia, dans le duché d’Urbin. La république défendit à ses sujets d’y aller trafiquer; le pape usa de représailles, en interdisant toute relation de commerce entre ses États et ceux de la république. Ces défenses, qui ne paraissaient ni d’une bonne politique, ni d'une administration éclairée, furent levées sous le pontificat de Benoît XIV ; et, malgré la jalousie des Vénitiens, la foire de Sinigaglia devint la plus célèbre de l’Italie. Ils passèrent ainsi cinq ou six ans, c’est-à-dire l’intervalle de 1734 à 1740, occupés à faire des efforts pour recouvrer ou conserver leur commerce, et à solliciter infructueusement, auprès des cours de Vienne et de Versailles, la réparation des dommages qui leur avaient été occasionnés par la guerre, ou au moins le paiement des fournitures qu’ils avaient faites aux armées des puissances belligérantes. La Porte leur donnait fréquemment des alarmes par des armements considérables, dont il était difficile d’expliquer l’objet, et par les menaces qu’elle renouvelait, chaque fois qu’il survenait le moindre différent entre ses sujets et ceux de la république. On en vit un exemple déplorable en 1741 : le pacha qui commandait sur les frontières de la üalmatie, prétendit avoir à se plaindre des Vénitiens ; les ministres de la Porte, sans vouloir admettre aucuue des explications qu’on s’empressait d'offrir sur tous les faits allégués, parlèrent de faire entrer vingt-cinq mille Turcs dans la Dalmatie, à moins que la république ne réparât tout le dommage, que le pacha faisait monter à huit cent mille sequins. Il fallut négocier, non pour établir les faits, non pour discuter les droits de la république, mais sur l’énor-inité du dédommagement exigé; et 011 se félicita d’avoir obtenu qu’il serait réduit à cent soixante mille sequins. Cette année fut celle de la mort du doge Louis Pisani, à qui Pierre Grimani succéda. XI. Une affaire bien autrement importante attirait alors l’attention du gouvernement vénitien. L’empereur Charles VI était mort à la fin de l'année 1740; sa fille Marie-Thérèse héritait de scs Etats, mais ils lui étaient disputés par le roi d’Espagne, par l’électeur de Bavière, par l’électeur de Saxe, roi de Pologne; le roi de Prusse et le roi de Sardaigne en réclamaient aussi quelques parties; la France prenait part à cette querelle, pour démembrer les possessions de la maison d’Autriche. Peodant que celte guerre se préparait, l’ambassa-