LIVRE XXXVII. 217 portait le nom de Montcnotte, qui devint celui de la victoire qui venait d’ouvrir cette glorieuse campagne. La retraite des Impériaux rendit les Français maîtres de Cairo; c’cst-à-dire qu’ils se trouvèrent sur le revers des Apennins, du côté de l’Italie, cl dans la vallée de la Bormida, qui court vers Alexandrie. Le 13 avril, l’armée se mit à la poursuite des impériaux, dont une partie s’était réunie aux Pié-niontais, sur la rive gauche de la Bormida. Le général Augereau força la gorge de Millesimo, tandis que le général Masséna, qui, par ce changement de direction, se trouvait à la droite de l’armée, s’étendait, en descendant la Bormida, jusqu’à Dego, et poursuivait une partie de l’armée autrichienne en retraite vers Tortone. Dans ces divers mouvements, dont un pays coupé de profonds ravins élait le théâtre, le lieutenant-général Provera se trouva, avec un corps de quinze cents grenadiers autrichiens, séparé de l’armée austro-sarde, par la division du général Joubert. Il se jeta dans les ruines d’un vieux château, et arrêta à son tour la marche des colonnes françaises pendant toute une journée. Les Impériaux firent de vains efforts pour le dégager, et les Français pour le forcer dans ses retranchements. Le général Joubert, qui y pénétra, lui septième, tomba blessé d’une balle. Le lendemain, l’action devint générale. On combattit depuis la hauteur de Cossaria, que défendait encore Provera, jusqu’à celle de Dego. Enfin, ce général fut contraint de se rendre, les Austro-Sardes furent enfoncés; la Bor-mida, qui séparait les deux armées, fut franchie. Les Français comptaient sept à huit mille prisonniers, quinze drapeaux et vingt-deux pièces de canon, qui attestaient la victoire de Jlillesimo; lorsqu’à la pointe du jour, le général Beaulieu vint, avec sept mille hommes, refouler leur aile droite, maîtresse de Dego seulement depuis quelques heures. Cette audacieuse attaque dura toute la journée: mais des troupes détachées du centre arrivèrent pour renforcer le général Masséna ; et l’ennemi, repoussé avec perte de quelques cents hommes, aban donna successivement la position de Ceva et une partie de la vallée de la Bormida (la avril 1796). Pendant que ces choses se passaient, le général Serrurier, laissé sur l’extrème gauche, pour garder la vallée d'Oneille, avait franchi aussi l'Apennin, et descendait le Tanaro, qui coule parallèlement à la li°rmida, et à l’ouest de celle-ci. Dès-lors, les Français, maîtres de ces deux vallées, se trouvèrent avoir séparé l'armée autrichienne de l’armée sarde, poursuivirent celle dernière, qu’ils battirent à Mondovi lc 22 avril, et, (rois jours après, ils n’étaient plus lu à neuf lieues de Turin (1796). Dès le 23, le commandant des troupes piémon-laises proposa une suspension d’armes : c’était ce que le général français pouvait désirer de plus favorable à ses desseins. Les forteresses de Coni et Tortone furent le prix de cet armistice ; et, libre désormais de l’inquiétude que pouvaient lui donner l’armée et les places du roi de Sardaignc, il se mit à la poursuite des Autrichiens, qui, n’ayant plus à s’occuper de la défense du Piémont, se préparaient à disputer le passage du Pô à l’armée victorieuse. II. 11 avait été inséré dans la convention conclue avec le roi de Sardaigne, que l’armée française aurait la faculté de passer le Pô sous Valence, place qui était occupée par les troupes piémontaises. C’était effectuer le passage de ce fleuve au dessus du confluent du Tésin, et par conséquent l’ennemi devait attendre les Français sur cette seconde rivière. Aussi le général Beaulieu s’était-il appuyé à l’avie, qui était cil effet sur la roule directe de Torlone à Milan. Mais, dans la nuit du 7 mai, l’armée se porla à dix lieues au dessous du confluent ; ou y trouva cinq bateaux ; le général en chef s’y précipita avec quelques braves, et le colonel Lasncs, arrivé le premier sur la rive opposée, dispersa quelques escadrons de cavalerie placés en observation. Aussitôt que les Autrichiens surent que l’armée effectuait ce passage à Plaisance, celles de leurs divisions qui étaient à portée se présentèrent pour la rejeter dans le fleuve, avant qu'elle eût eu le temps de se former; mais elles furent repoussées vigoureusement; et, 1e lendemain, le duc de Parme, dont le territoire était sans défense, acheta la paix moyennant une contribution. Le général Beaulieu, voyant les F’rançais en deçà du Pô, se hâta de mettre l’Adda entre eux et lui, sans s’occuper de Milan, qui, désormais, était pour eux uneconquête assurée. Ils le suivirent; et, en arri-vantà Lodi,donton n’avait pas eu letempsdecouper le pont, ils virent en bataille, sur la rive gauche de l’Adda, une forte arrière-garde de dix mille hommes de l’armée impériale, et trente pièces d’artillerie prèles à foudroyer quiconque tenterait le passage. Aussitôt le général Masséna reçut ordre de former en colonne un corps de quatre mille grenadiers, se mit à leur tête, et s’avança sous le feu de l’armée ennemie. Un moment d’hésitation, dans ce périlleux trajet de cent toises, fit craindre que la colonne ne rebroussât chemin; Masséna, les généraux Berthier,chefdel’état-major, Dalletnagne, Cenoni, le colonel Lasnes, se précipitèrent aux premiers rangs, et, leur exemple entraînant les soldats, l’impulsion fut irrésistible; on passa le pont; l’ennemi, rompu en un instant, abandonna le champ de bataille et vingt pièces de canon (10 mai 1796). Pizzighitonc, Crémone, furent le fruit de cette