HISTOIRE DE VENISE. LIVRE XXXY. GUERRE POUR LA SUCCESSION DE PATOIE ET DE TOSCANE.— NEUTRALITÉ DES VÉNITIENS DANS CETTE GUERRE ET DANS LA SUIVANTE, POUR LA SUCCESSION DE I,’EMPEREUR CHARLES VI. — DIVISION DU PATRIARCAT d’aQUILÉE, 1719-17150. — GUERRES DE 1,’eUROPE PENDANT LA SECONDE MOITIÉ DU XVIII0 SIÈCLE. — GUERRES DELA RÉPUBLIQUE AVEC LES PUISSANCES BARBARESQUE*. — SA SITUATION A LA FIN DU SIÈCLE, 171> 1 -1 7S9. I. La paix de l’assarowitz fixa les destinées de Venise. Cette république, qui n’a fait depuis ni perle, ni acquisition, ni échange, consistait alors dans les États ci-aprcs : le Dogal, c’est-à-dire les îles et le bord des lagunes ; sur le continent de l’Italie, les provinces de Bergame, de Brescia, Crème, Vérone, Vicence, la l’olésine de Rovigo, et la Marche de 'i'révise, qui comprenait Feltre, Bellune et Cadore; au nord du golfe, le Frioulet lTstrie ; à l’est du golfe, la Dalmatie vénitienne avec les Iles qui en dépendent; une partie de l’Albanie, c’est-à-dire le territoire de Caltaro, Butrinto, Parga, Prévésa, Wonizza; enfin, dans la mer Ionienne, les îles de Corfou, Paxo, qui en est une dépendance, Sainte-Maure, Céphalonie, Thiaqui (Ithaque), Zante, Asso, lesStrophadesel Cérigo. D’après les renseignements recueillis en 1722, la population de tout ce territoire s’élevait à deux millions cinq cent mille âmes, les revenus publics à six millions de ducats (valant à peu près 4 fr. 19 c.), et la dette à vingt-huit millions dés mêmes ducats ; ce qui fait en valeur monétaire de France, un revenu de vingt-cinq millions, et une dette de centdix-scpt millions. Les effets publics se vendaient à soixante pour cent de leur valeur nominale ; on prétend que les étrangers en possédaient pour quarante millions. II. Ici finit l’histoire de Venise, ou du moins ici se terminent scs rapports actifs avec le reste du monde. Réduite à une existence passive, elle n’a plus ni guerres à soutenir, ni paix à conclure, ni volonté à exprimer. Spectatrice des événements, pour éviter d’être obligée d’y prendre quelque pari, elle affecte de n’y prendre aucun intérêt. Les autres nations, la voyant déterminée dans ce système d’impassibilité, négligent de l’interroger sur ce qui se passe à ses portes. Aussi n’aurai-je à parler des principaux événements qui survinrent en Europe, et même de ceux qui changèrent la face de l’Italie, que pour dire que Venise eut soin d’y demeurer constamment étrangère. Isolée au milieu des nations, imperturbable dans son indifférence, aveugle sur ses intérêts, insensible aux injures, elle sacrifiait tout à l’unique désir de ne point donner d’ombrage aux autres Étals, et de conserver une paix éternelle. Jlais il n’y a que les vertus naturelles qui inspirent du respect. On tient peu décompté de celles qui nous sont commandées par notre situation, et encore moins décollés que nous ne devons qu’à noire défaut d’énergie. Ce fut d’après cette règle qu’on apprécia le désintéressement, la prudence et la modération des Vénitiens; et quand on en vint à observer qu’un gouvernement si patient était composé des hommes les plus vains, on ne put plus faire honneur à sa sagesse de ses dispositions si opiniâlré-menl pacifiques. Montesquieu a remarqué que Venise était une des républiques où l’on avait le mieux corrigé les inconvénients de l’aristocratie héréditaire; il rc-connait que le grand nombre des nobles terni a rendre le gouvernement moins violent; mais il ajoute H que comme il y aura peu de vertu, on loin-