272 HISTOIRE DE VENISE. LIVRE XXXIX. U ES CR I PTIO fi OU GOUVERNEMENT UK VENISE. 1. L’élude de l’histoire ne satisferait que la curiosité, si, après le récit des faits, 011 ne s’arrêtait pour en observer les conséquences. Les événements des huit premiers siècles de Venise, eurent pour résultat une forme de gouvernement fort compliquée, fort vantée, peu connue, que je vais essayer de décrire. Celle connaissance jettera du jour sur les événements. De même, quand j’ai eu à parler des premiers Vénitiens, il a fallu faire connaître les lieux où ils s’étaient établis, pour faire comprendre comment ils s’y étaient maintenus. On a remarqué que Venise avait passé successivement sous trois formes de gouvernement différentes, la démocratie, la monarchie et l’aristocralie. Mais ces qualifications données aux gouvernements des diverses époques, et qui ne doivent pas être prises dans un sens trop rigoureux, ont occasionné une controverse, qui n’est guère qu’une dispute de mois. D’abord il faut ranger parmi les paradoxes cette assertion des flatteurs de l’aristocratie vénitienne, que Venise avait adopté le gouvernement aristocratique dès les premiers temps de son existence. Il n’est pas de la nature du gouvernement aristocratique de s’établir dans l’origine des sociétés; il est fondé sur l’inégalité de la puissance et des intérêts, et cette inégalité n’était pas sensible parmi les fugitifs qui allèrent chercher un asile dans les lagunes. On y manquait de vivres, d’eau, de bois, de tout. L’homme qui avait une barque et qui savait la conduire, était l’homme nécessaire et faisait la loi à tous ceux qui ne pouvaient que le payer. Aussi esl-il constant qu’alors les intérêts de la colonie étaient discutés dans les assemblées générales de toute la population. On ne trouve la trace d’aucune distinction entre les habitants. Si, dès l’origine, on remarque parmi les magistrats les noms des Badouer, des Justiniani, desBembo, des Cornaro, on y trouve aussi un maître Pierre, qui est devenu le tige des Malipier. Venise fut donc une véritable démocratie, depuis sa fondation, vers 420, jusqu’aux dernières années du septième siècle. A cette époque, la république se donna un chef : ce chef était électif; mais il devint bientôt assez puissant pour désigner son successeur, pour faire la guerre et la paix, pour choisir ceux qui devaient discuter, sous sa présidence, les intérêts de la nation, lorsqu’il jugeait à propos de la consulter. Ce sont là les caractères de la souveraineté. 11 est bien difficile de se refuser à reconnaître que, depuis 697 jusqu’au treizième siècle, les doges de Venise ont été des monarques. Ici se présente une autre question ; c’est de savoir si on a dù donner la qualification de république ou de monarchie à un Élat, qui, sous tous les rapports, n’était pas absolument indépendant. La vanité vénitienne était encore plus intéressée à maintenir l’indépendance originaire de la nation, que l’ancienneté de l’aristocratie. Mais quelques efforts qu'aient pu faire les écrivains officiels, ils n’ont pu effacer la trace de certains faits qui prouvent que cette société, faible, pauvre, peu nombreuse dans sa naissance, conserva pendant quelque temps des rapports de subordination avec les Étals puissants qui l’environnaient. D’abord on voit le sénat de Padoue, qui ordonne