LIVRE XXXIX. 275 la construction d’une ville à Rial te, et qui y envoie annuelleroentdes magistrats pour gouverner la nouvelle colonie. Celte colonie resta vraisemblablement, comme sa métropole, sous la dépendance des empereurs d’Oc-cident. Un roi des Ostrogoths, qui succède au dernier de ces empereurs, fait écrire par son ministre, aux tribuns de la république, une lettre dont les formes sont polies, mais impérieuses, pour en exiger un service gratuit. La chute de l’empire d’Augustule et l’invasion des Ostrogoths en Italie, portèrent naturellement les insulaires à chercher une protection au pied du trône des empereurs d’Orient. Narsès, arrivé devant Aquilée, demande des vaisseaux aux Vénitiens, pour transporter jusqu’à Ravenne l’armée impériale destinée à chasser les Rarbares. Narsès, en passant, s'arrête à Rialtc; il y fonde une église. Il est pris pour arbitre des prétentions que l’adoue conservait sur son ancienne colonie. Tous ces actes attestent l’autorité des empereurs d’Orient. Quand la république veut changer sa constitution et se donner un chef, elle en demande l’agrément au pape et à l’empereur. Les nouveaux doges s’empressent de briguer les dignités de la cour impériale. Us se parent des titres d’hypate, de spataire, de protosébaste. L’occupation de l’Italie supérieure par les Lombards resserre les liens de Venise avec l’empire d’Orient. Venise fait la guerre aux rois de Lombar-die, et traite ensuite avec eux. Us sont chassés de l’Italie par Charlemagne. Des discordes qui agitent Venise, amènent l’expulsion de plusieurs doges. De ces exilés, les uns vont chercher un asile à Constantinople; les autres vont porter leurs plaintes et implorer des secours auprès de la cour de France. De là des occasions, pour les empereurs d’Orient et d’Occident, de s'immiscer dans les affaires de la république. On rapporte un traité conclu vers la fin du huitième siècle, par lequel l’empereur d’Orient, et Pepin, roi de Lombardie, en faisant la paix, stipulent que Venise restera indépendante de l’un et de l’autre empire. Plusieurs actes postérieurs attestent pourtant que cette indépendance n’était point absolue. Selon quelques historiens, Charlemagne comprit Venise dans la donation qu'il faisait au saint-siège. Celle donation ne passe pas pour authentique ; mais en ne la considérant que comme une pièce supposée, il fallait que ses auteurs crussent au moins que Charlemagne avait quelques droits sur cet État. En 810, Charlemagne conclut un traité avec l'em- IllSTOIRE DE VE'ilSE.— T. II. pire d’Orient, et y reconnaît que Venise continuera de faire partie de celui-ci. François Sansovino, dans sa description de Venise, rapporte, au sujet de la fondation de l’église de Saint-Zacharie, bâtie en 827, un document qui peut servir à caractériser l’autorité dont les empereurs d’Orient jouissaient à Venise. C’est une proclamation de Justinien Parlicipalio, le dixième doge de la république. «Qu’il soit connu, dit-il, à tous chrétiens et fidèles du saint empire romain, présents et à venir, à tous doges, patriarches, évêques, et autres personnages principaux, que nous, Justinien, hypate de l’empire et doge de Venise, par révélation de Noire-Seigneur le Dieu tout-puissant, et par commandement du sérénis-sime empereur Léon, conservateur de la paix dans tout le monde, après avoir reçu de lui beaucoup de bienfaits, avons fait élever ce monastère de vierges dans Venise, conformément à la volonté qu’il avait manifestée, pour que cet édifice fut construit aux frais de la chambre impériale. En conséquence de celte commission, il ordonna que l’or et l’argent nous fussent remis av^c les autres choses nécessaires. Il nous fit en outre remettre, pour consacrer celle église, les reliques de Saint Zacharie, prophète , un morceau du bois de la cruix de Notre-Seigneur, un pan de la robe de Sainte Marie ou de celle du Sauveur, avec d’autres saintes reliques. Enfin non-seulement il donna tous les objets nécessaires pour cette construction, mais il envoya des maîtres pour la diriger et la terminer promptement. Celle construction achevée cl la congrégation réunie, nous avons ordonné que des prières continuelles y fussent faites, pour le salut du saint empereur et de ses héritiers, et arrêté que toutes les lettres qu’il nous a écrites en caractères d’or à ce sujet, seraient déposées dans le trésor de notre palais, pour y demeurer à perpétuité, afin qu’on ne puisse jamais ignorer que le monastère de Saint-Zacharie a élé construit aux frais du très-saint empereur Léon. » Cet édifice, décoré des aigles impériales, ordonné et payé par Léon, n’était pas seulement un monument de sa piété, c’était encore un témoignage de sa puissance; et les prières perpétuelles que les Vénitiens devaient y faire pour lui, étaient une preuve d’autant plus irréfragable de son autorité sur eux, que, depuis dix ans, ce prince, que le doge appelle très-saint, était excommunié, à cause de son attachement à l’hérésie des iconoclastes. Dans le siècle suivant, vers 9î0, les Vénitiens firent un traité avec le roi d’Italie, par lequel celui-ci reconnut qu’ils avaient le droit de battre monnaie. En 980, lorsque les Caloprini furent expulsés de Venise par la faction des Morosini, ils allèrent se jeter aux pieds de l’empereur d’Occident, Olhon II ; 18