LIVRE XXXIX. 273 les mots; mais ¡1 faut reconnaître que si ces patri- ¡ cicns eussent été nobles, dans l’acception qu’on vent donner à ce nom, la république n’aurait pu subsister; aussi, pour ôter aux riches le pouvoir d’abuser de l’influence que donnent de grandes propriétés territoriales, la législation avait-elle aboli les fiefs, et obligé tous les patriciens à fixer leur résidence dans la capitale. 11. Le nombre des hommes nobles s’est élevé jusqu’à douze cents et plus : constitutionnellement ils étaient tous égaux ; de fait ils étaient divisés en nobles puissants, et nobles qui n’avaient qu’une faible part à l’autorité. Ce gouvernement depuis son origine avait marché constamment vers l’oligarchie. La jalousie des rangs avait amené une classification non légale, mais convenue. On distinguait d’abord les anciennes maisons, qu’on appelait les familles électorales, c’est-à-dire dont la prétention était de remonter aux douze tribuns qui élurent le premier doge en 097. C’étaient : Les Badouer, descendants des Participado, qui ont eu sept doges ; Les Barozzi ; Les Contarini, qui ont eu huit doges ; Les Dándolo, quatre doges ; Les Palier, trois doges; Les Gradenigo, quatre doges; Les Memno, anciennement Monegario, quatre doges ; Les Michieli, trois doges; Les Morosini, quatre doges; Les Polani, un doge ; LesSanuto, autrefois Candiano, cinq doges; Les Thiepolo, deux doges. Mais il y avait d’autres familles, qui, sans avoir eu part à l’élection du premier doge, remontaient aussi aux anciens tribuns. C’étaient : Les Bembo, un doge ; Les Bragadino ; Les Cornaro, quatre doges ; Les Delflno, un doge; Les Justiniani, un doge; -Les Querini, à qui appartenaient les deux doges du nom de Galbaio ; Les Sagredo, un doge ; Les Soranzo, un doge ; Les Zeno, un doge; Les Ziani, deux doges. On voit qu’un petit nombre de familles a fourni la moitié des doges qu’a eus la république. Il s’en fallait bien que ces nobles bornassent leur ambition à faire remonter leur généalogie jusqu’au septième siècle. La plupart avaient la prétention de lier l’histoire de leur maison à celle de l’ancienne Hume. Ainsi la généalogie des Justiniani les faisait ' i descendre de l’empereur Justinien ; celle des Querini, de Galba; et les Cornaro se disaient des Cornéliens. Sans doute de pareilles traditions étaient chimériques; ce qu’il y a de certain, c’est que plusieurs de ces familles étaient contemporaines de la république : l’histoire a conservé leurs noms, et à Venise les noms ne changeaient presque jamais. On n’y prenait ni de ces noms de terre, ni de ces qualifications qui jettent de la confusion dans les généalogies; les nobles vénitiens laissaient les titres de comte et de marquis à leurs sujets. La liljation, depuis plusieurs siècles, était constatée avec le plus grand soin; enfin la rivalité des amours-propres aurait mis obstacle à de choquantes usurpations. A ces traditions on en opposait d'autres, qui constataient l’égalité primitive des anciens citoyens de la république. Si les Venicr, se fondant sur quelque ressemblance de nom, se disaient issus de la famille Valeria de Borne, et si les Marcello avaient la prétention de remonter jusqu’au consul Marcellus, on disait que les GriUi étaient originairement pêcheurs à Mestre, et on prétendait trouver l’étyinologie du nom de Contarini dans le mot contadini, qui signifie paysans. Quoi qu’il en soit, ces familles, et deux ou trois autres, dont le rang était plus ou moins contesté, formaient la première classe de la noblesse vénitienne. La seconde classe se composait des familles qui prouvaient qu’elles faisaient partie du grand-conseil à l’époque où le droit d’y siéger devint perpàtuel et héréditaire; il n’en restait guère plus de soixante dans ces derniers temps; les autres s'étaient éteintes. Plusieurs devaient être antérieures à la clôture du grand-conseil; mais, comme alors la noblesse n’avait pas une existence politique, et ne donnait droit à aucun privilège, il n’y avait de noble que ce qui était illustre. Ces maisons montaient donc au moins à la fondation du patricial. Les principales étaient les Barbarigo, Celsi, Donalo, Erizzo, Foscari, Fos-carini, Grimani, Grilli, Loredan, Malipier, Marcello, Moncerjigo, Molino, Moro, Pesaro, l’isani, üa-Ponte, Priuli, Buzzini, Trevisani, Trono, Valier et Venier, toutes familles ducales, c’est-à-dire qui avaient fourni des doges à la république. La troisième classe était formée des trente familles qui furent élevées au patriciat quatre-vingt-dix ans après la clôture du grand-conseil, pour les services rendus, ou les secours fournis à l’Elat, pendant la guerre de Chiozza. Ces familles avaient donc i à peu près un siècle de noblesse de moins que celles de la‘seconde classe. Parmi ces familles, dont plus de la moitié s’étaient éteintes avant la répu- I blique, trois avaient été honorées du dogal : c'é-