8 HISTOIRE DE VENISE. vemcnt avec succès. Celle armée indisciplinée, qui ne cherchait que le pillage, voyant qu’il y avait à combattre avant de saccager Florence, se détourna de cette route, et marcha à grandes journées sur Rome, au mépris de la trêve accordée au pape si récemment. Les troupes du connétable arrivèrent aux portes de cette ville, le 6 mai 1S27. Rien n’avait été préparé pour la défense d’une capitale, dont la vaste enceinte aurait exigé des travaux immenses, et de nombreux soldats. Le premier choc fut soutenu avec assez de vigueur par les gardesdu pape. Les échelles étaient déjà appliquées aux murailles, lorsque le connétable de Bourbon, qui était à la tête des assaillants, reçut une blessure, dont il mourut quelques heures après. Mais, loin que cet accident sauvât Rome, il devint un nouveau malheur pour elle. Les soldats, furieux de la perte de leur général, franchirent le rempart, renversèrent les milices, composées d’artisans et de domestiques des cardinaux, et forcèrent l’entrée du faubourg du Vatican. Le pape, pendant ce temps-Ià, était dans la Basilique de Saint-Pierre, prosterné sur les marches de l’autel. Les cris d’alarme vinrent l’en tirer. Sur son passage, il vit courir ses milices éperdues, et tout le peuple de sa capitale que poursuivaient des soldats également avides de carnage et de butin, et il n’eut que le temps de se jeter dans le château Saint-Ange. De là il entendit les cris de plus de quatre mille personnes égorgées par les vainqueurs. Tous les palais étaient au pillage. On voyait des soldats allemands, italiens, espagnols, dans la double ivresse du sang et du vin, promener sur des ânes des prélats en habits pontificaux, traîner des cardinaux dans les rues, et les charger d’outrages et de coups. L’avidité mutilait les chefs-d’œuvre des arts, dépouillait et dispersait les reliques, enfonçait les tabernacles. La licence brisait les portes des maisons et des monastères. Dans ce désordre, la bibliothèque du Vatican fut pillée par des barbares, qui n’en connaissaient pas le prix. Les places de Rome étaient un marché, où les soldats troquaient les femmes et le butin ; et ces excès épouvantables, qui rappelaient toutes les fureurs des Vandales et des Gotbs, durèrent, sans se ralentir, non pas quelques heures, non pas quelques jours, mais plus de deux mois. Les officiers de cette troupe effrenée n’avaient pius d’autorité sur elle. Les rappels, le signal d’alarme môme, rien ne pouvait parvenir à la rassembler. Pendant les premiers jours, il fut impossible d’arracher les soldats du pillage, pour placer un poste devant les portes du château Saint-Ange. Le pape était le maître de s’échapper; un de ses officiers, qui accourait avec un millier d’hommes à la défense de celle capitale, et qui arriva quelques heures trop lard, aurait vraisemblablement pu la venger, s’il eût eu la témérité de se lancer, avec cette poignée de monde, au milieu de cette grande ville, dans laquelle une armée de pillards était dispersée. XII. Les confédérés, c’est-à-dire les Vénitiens, les Suisses à la solde de la France, et quelques Florentins, avaient suivi, mais de loin, et avec beaucoup de circonspection, la marche de l’armée impériale. Quand ils curent appris la prise et le sac de Rome, au lieu de hâter leur marche, ils perdirent le temps en expéditions qui les écartaient de cette route, tellement que les ordres du gouvernement vénitien, pour tenter de délivrer le pape, trouvèrent les tioupes encore à plusieurs journées de cette ville. Le duc d’Urbin s’avança jusque près des murs; mais là, soit timidité, soit par un sentiment de haine contre pape, il éleva mille difficultés sur les opérations à entreprendre. Il ne pouvait croire à la possibilité du succès. Il exagérait l’insuffisance des quinze mille hommes qu’il commandait; enfin il poussa la malveillance jusqu’à la dérision; car, après avoir soutenu que, pour attaquer les Impériaux, il était indispensable de faire arriver quarante pièces de gros canon, de lever dix mille arquebusiers, trois mille pionniers et seize mille Suisses, il pria Guichardin, de qui nous tenons ces détails, d’engager le pape, qu’on savait n’avoir que pour quelques jours de vivres, à tenir bon jusqu’à l’arrivée de ces renforts. Enfin l’armée des alliés sembla n’être venue jusqu’à la vue du château Saint-Ange, que pour donner au pape le déplaisir de voir s’éloigner et s’évanouir sa dernière espérance. Le pape resta donc bloqué dans cette forteresse par les troupes de l’empereur; il se vit réduit à se nourrir de vils aliments, de chair d’âne, et pendant ce temp-là, l’empereur prenait le deuil à cause de cette victoire, désavouait ses généraux, et faisait faire des prières publiques pour la liberté du père commun de la chrétienté. Mais il laissait continuer le siège, et scs troupes, au lieu de recevoir l’ordre de sortir de Rome, recevaient et attendaient de nouveaux renforts. Les Vénitiens, qui voyaient croître le danger pour leur république, se hâtaient de lever des troupes, équipaient une flotte, obtenaient du roi de France les fonds nécessaires pour faire marcher les dix mille Suisses que ce prince avait promis à la ligue, envoyaient quelque argent au duc François Slorce, pour le mettre en état de remonter sa petite armée, et, sous prétexte de protéger les possessions de l’Église, s’empressaient de mettre des garnisons dans Ravenne et dans Cervia. Enfin le pape n’entrevoyant plus aucune voie d’où put lui arriver un secours, et effrayé de la peste,