LIVRE XXXI. 10i> barques, on aurail rompu tous les ponts, pour interdire aux habitants les moyens de circuler dans la ville. Une fois en possession.des postes principaux, on aurait fait publier que le roi d’Espagne prenait les Vénitiens sous sa protection, que loin d'avoir à craindre pour leurs biens ou pour leurs personnes, ils allaient être délivrés de leurs tyrans. Un se promettait de séduire les nobles pauvres, et d’intimider les autres; après quoi, tous devaient être appelés, pour prêter serment de fidélité au roi d’Espagne; et ceux qui s’y seraient refusés devaient , être arrêtés. » Ces déclarations, qu’on doit croire avoir existé, puisque le conseil des Dix les rapporte lui-même , étaient bien de quelque importance. Cependant il n’en est fait aucune mention dans la procédure, du moins telle que nous l’avons. XXV. La révélation qui sert de base à l’instruction, n’est plus celle de Juvcn ou de Moncassin ; c'est un autre Français, nommé le capitaine Jaffier, admis, grâce à la recommandation de Jacques Pierre, dans les troupes de la république, que l’on voit comparaître volontairement devant le conseil des Dix, et qui, après avoir reçu l’assurance de sa grâce, et la promesse d’une récompense, déclare que le duc d’Ossone a conçu le projet de faire enlever, par surprise, quelque place maritime de la république, et de faire brûler quelques vaisseaux; qu’il entretient, à cet effet, plusieurs agents à Venise, notamment le capitaine Renault et le corsaire Jacques Pierre. (¡’est à cela que se réduit la déclaration de Jaffier; il parle des vues du duc d’Ossone sur quelque place, sans dire laquelle; il ne fait aucune mention du projet de surprendre Venise, de brûler l’arsenal, de massacrer la noblesse; ce qui prouverait, en supposant que le complot eût existé, qu’il n’y était que médiocrement initié. Deux jours après que le tribunal eut reçu cette déposition, deux autres étrangers, un Français, nommé Rrainville, que la procédure appelle Brarn-hilla, employé dans l'arsenal, et un officier des troupes hollandaises,qu’on appelaitThéodore, laissèrent échapper devant un noble vénitien, qu’ils savaient des choses dont la révélation serait d’une grande importance pour la république. Ce patricien, n’ayant Pu pénétrer leur secret, malgré beaucoup de ques-tions, courut faire part de ses soupçons à l’inquisition d’État, et en reçut l’ordre d’attirer ces aventuriers dans la maison de l’un des inquisiteurs. Le tribunal, qui n’avait point de lieu fixe pour ses séances, s’y réunit à l’instant ; et là, après les exhortations cl les promesses qui pouvaient les déterminer a parler, ces deux étrangers déclarèrent que Jacques Pierre et Renault avaient profité du mécontentement des Hollandais, pour attirer à Venise trois cents hommes de cette troupe; que leur projet était de s’emparer des postes principaux, de mettre le feu à l’arsenal, à la monnaie, au palais ducal, et que le jour de l’exécution, 011 se proposait de faire venir le reste de ces soldats, en leur annonçant qu’il y avait un bon coup à faire. Le projet avait été discuté dans plusieurs conférences, tenues dans la maison du capitaine Renault, et chez les ambassadeurs de France et d’Espagne ; lesquels avaient connaissance de ce qui se tramait, et y donnaient la main. L’ambassadeur d’Espagne, ajoutaient les déposants, avait, dans son palais, des armes pour plus de cinq cents hommes. Aussitôt que la conjuration aurait éclaté à Venise, Jacques Pierre devait mettre le feu à la flotte, et tâcher de s’emparer de quelque place maritime; tandis que des soldats étrangers tenteraient un coup de main sur quelques forteresses de terre-ferme, notamment sur Brescia, et qu’à cet effet, des troupes de Milan et du Tyrol devaient s’avancer pour leur prêter main-forte. Enfin c’était le capitaine Renault qui conduisait cette entreprise, et qui en avait dressé le plan. Cette déclaration ôtait, comme on voit, beaucoup plus importante que les précédentes ; mais le duc d’Ossone n’y était pas même nommé : cl comment ne pas être frappé de l’absurde alliance de l’ambassadeur de France et de l’ambassadeur d’Espagne, pour conspirer contre la république ? XXVI. On retint les deux dénonciateurs; et sur-le-champ, toutes les auberges, tous les logements garnis de Venise, furent fouillés. On emprisonna plus de deux cents personnes. La procédure ajoute: