PIÈCES JUSTIFICATIVES. 379 procédure, il y avait contre Renault. Il se garde bien de les discuter. Ces pièces étaient, 1° Un passe-port en espagnol, portant réquisition à tout ministre, représentant, ou sujet du roi, de le laisser librement passer, sans lui demander, comme à tous les autres étrangers, le but et le sujet de son voyage ; â° Une lettre du marquis de Bedemar au gouverneur de Milan; celte lettre disait : « I.e porteur de la présente est M. Renault d’Arnault,hommede grande valeur, lequel va pour des affaires importantes de S. M. notre roi, et j’ai voulu le faire accompagner de celte lettre, pour que voire seigneurie prenne confiance dans tout ce qu’il lui dira, et qu’elle ail égard à ses représentations. Je n’en ajoute pas davantage, parce qu’il vous exposera de vive voix toul ce dont il s’agit; » 3° Une lettre du duc de Guise, qui enjoignait à Renault de venir le joindre avec tous les moyens requis pour l’entreprise ; 4° Une copie d’une lettre que lui-méme avait écrite au duc de Guise, dont le contenu était, que dans un mois toul serait prêt, que le capitaine Jacques Pierre était sur le point de partir avec l'année navale, et qu’il n’y avait point de temps à perdre. Un prétendit avoir saisi aussi, dans les coffres de l’accusé, des lettres de change cl de l’or pour une somme considérable. Il se refusa à reconnaître toutes les pièces qu’on lui présentait, persista à dire qu’il n’avait jamais parlé à l’ambassadeur d’Espagne, nia même que la minute de la lettre au duc de Guise fut de son écriture. Ces pièces, en les supposant authentiques, ne prouvaient rien contre l’accusé. Le passe-port et la lettre de recommandation délivrés par le ministre espagnol, pouvaient bien faire nallrc quelques soupçons, mais ne constituaient pas un délit. Renault parlait pour la France ; il avait à traverser le duché de Milan, il était assez naturel qu’il se fit recommander au gouvernement du pays. D'ailleurs, Jacques Pierre et Renault, qui avaient fait tant de révélations au gouvernement vénitien, pouvaient bien avoir eu des communications avec les Espagnols, avec des conjurés, sans être pour cela complices d’une conjuration qu’ils avaient révélée. (Juant au billet du duc de Guise, il n’y avait rien à en conclure contre l’accusé; car, que disait ce billet? Il appelait le capitaiue Renault en France, pour y coopérer à une entreprise ; d’où il fallait conclure qu'il n’était pas en même temps impliqué dans une autre. Quelle était l’entreprise dont il s'agissait ? La voici. Ce seigneur, appelé ici mal à propos le duc de Guise, n’était autre que le duc de Ne-vers, marié à Catherine de Lorraine, Cille du duc de Guise. Or, on a vu ci-dessus que la correspondance de Jacques Pierre et de Renault avec ce prince, avait pour objet de lui conseiller la conquête d'une souveraineté dans le Levant, que ce projet avait même été communiqué au gouvernement vénitien Jacques Pierre, et que Renault était sur le point de partir, pour aller en exposer au prince les moyens d'exécution. Dans la lettre même dont il était porteur, et qu’on avait saisi sur lui, on pouvait lire des protestations de lidélilé et de dévouement à la république. C’est surloul au sujel de la déposition de Jaflier, que Saint-Réal s’écarte de la teneur des pièces dont il autorise son récit. Selon lui, ce conjuré révéla tout le plan de l’entreprise, nomma tous les officiers des troupes étrangères qui avaient élé gagnés; et il n’y a pas à se méprendre sur ces mots : le plan de l'entreprise ; car l’auteur vient de l’exposer lui-même, quelques pages auparavant. Eh bien! voici à quoi se réduit la déposition de Jallicr dans la procédure. Il déclare que le duc d’Ossone a conçu le projet de faire surprendre quelque place maritime, cl briller quelques vaisseaux de la république; qu'il entretient à cet effet plusieurs agents à Venise, notamment Jacques Pierre et Renault. Il u’y a pas dans celle déposition un mol qui concerne la surprise de la capitale,Tincendie de l’arsenal, le massacre de la noblesse; culin ce que l’abbé de Saiut-Réal appelle le projet des conjurés. C’esl sur la déposition de Jallicr, qui, en effet, d’après le récit de l’auteur, ne laissait rien à découvrir, qu'eurent lieu, selon lui, les arrestations des complices, et les perquisitions dans les palais des ambassadeurs de France et d’Espagne. Il rapporte toutes les révélations comme ayant élé faites coup sur coup, dans la même nuit, tandis que la procédure dil qu’il y cul entre ces déclarations et ces divers actes un intervalle de plusieurs jours. « Le jour vint, ajoute l'historien, le sénat s'assembla, et le marquis de ltedeiuardemanda audience. » L’abbé de Saiul-Rcal ne pouvait pas avoir vu le procès-verbal existant dans les archives de Venise, qui constate que cette audience u'eul lieu que le 2o mai, c’est-à-dire, onze jours plus lard que celui où il la place ; mais il ne devait pas ignorer que les ambassadeurs .étrangers ne paraissaient jamais dans le sénat, cl que c’ctail le collège, c'est-à-dire le doge eutouré des sages et des conseillers qui leur donnait audieuce. Les détails de celte audience sont une amplification de ce qu'on lit dans la procédure. L'abbé de Saint-lléal fait partir le marquis de Bedemar du palais même pour Milan : il le fait embarquer précipitamment sur un brigaiitm, pour se dérober à la fureur du peuple, tandis qu'il est constant qu'il