LIVRE \\X\ IF. 223 quinze mille hommes, pour côtoyer ce lac à l’ouest, et menacer B rescia, tandis que lui-même, à la tète de son armée, passait à l’est entre le lac et l’Adige, occupait le Monte-Baldo, forçait le poste de la Co-rona, qui ferme ce défilé, et débouchait dans la Lombardie par la rive gauche du Mincio. Il devait résulter de ce mouvement que la colonne qui descendait à l’ouest du lac de Garde, pouvait arriver à Milan avant l’armée française; que toutes les troupes qui se trouvaient au delà du Mincio étaient compromises; que des corps séparés, des garnisons forcées d’évacuer les places, des généraux sans communication avec leur chef, allaient être poussés dans des directions différentes; que toute la Lombardie pouvait se soulever; et qu’il devait être également difficile à l’armée française de se réunir, et de combattre avec quelque espoir de salut, si elle n’était pas réunie. Les Autrichiens en effet culbutèrent, d’un côté, Indivision française qui gardait la rive occidentale (lu lac, et de l’autre le général Masséna, posté dans la vallée de l’Adige. La ligne des Français se trouva percée, les troupes placées à Porlo-Legnago étaient coupées, celles de Vérone allaient l’ctre; Brescia était occupé par l’ennemi ; des partis de cavalerie se dirigeaient déjà sur Milan. La division qui occupait Vérone se hâta (le l’évacuer. La population manifestait de l’impatience; les Français frappèrent des réquisitions de vivres, emmenèrent sept canons, cnclouèrent les autres, jetèrent les munitions qu’ils ne purent emporter, brûlèrent quelques bateaux. Les habitants reçurent ordre de se renfermer dans leurs maisons, sous peine de mort; et la garnison, dans sa retraite, traversa une grande ville déserte : c’étaient de sinistres adieux. A Venise, 011 prit l’apparition du maréchal de Wurmser pour le signal de la délivrance de l’Italie; ses succès y excitèrent une joie inexprimable. On vit le bas peuple s’abandonner aux démonstrations d’une haine imprudente, et les Esclavons, qui composaient la garnison de cette capitale, non moins empressés de faire éclater des passions qui flattaient celles de leurs maîtres. Ils se répandirent sur les places, dans tous les lieux publics, en vomissant des imprécationscontre les Français, poursuivirenteeux qui osaient paraître, leur arrachèrent la cocarde, et la foulèrent aux pieds. Ils imaginèrent de pénétrer dans les maisons, et dé demander de l’argent pour prix des meurtres qu’ils allaient commettre. Les asiles où le jeu, les femmes, la musique, rassemblaient les indolents citoyens de Venise, étaient tout-à-coup envahis par une populace ou une soldatesque effrénée, qui venait promettre des têtes; et le sybarite opulent, la femme voluptueuse, inter- rompaient leurs plaisirs pour applaudir à des fureurs et payer d’avance des assassinats. Cependant l’irrésistible fortunede la France allait confondre ces odieux projets. XI. La marche de cette division, qui menaçait la Lombardie, ne laissait pas le temps au général français de rassembler ses troupes pour livrer bataille aux Autrichiens à la vue de Mantoue. Se trouvant entre les deux corps ennemis, il replia ses postes avec toute la diligence que permettait une attaque imprévue, et conçut leprojetde combattre ces deux corps l’un après l’autre. Par une de ces résolutions qui n’appartiennent qu’aux capitaines qui savent oublier un grand projet pour en exécuter un plus grand, il lève dans la nuit le siège de Mantoue prête à capituler, abandonne toute sa grosse artillerie dans les tranchées, jette son armée sur la rive droite du Mincio, détache un corps pour aller reprendre les défilés à l’ouest du lac de Garde; marche sur la division qui avait débouché de ce côté, l’attaque à Brescia, à Castiglione, à Lonado, tandis que le général Masséna pousse les Impériaux vers le lac. Cette division autrichienne errait sans être tout-à-fait détruite, cherchant à se rallier au corps d’armée qui, déjà sur la rive droite du Mincio, se déployait devant Castiglione. 11 fallait se jouer du temps, des obstacles et des distances, pour achever de détruire ce corps, avant d’être obligé de se retourner vers l’armée de Wurmser. La fortune fit arriver les restes de cette division devant Lonado, au moment où le général français venait d'y entrer avec une poignée de monde. Les Autrichiens, impatients de passer, pour se joindre au maréchal de Wurmser, envoient sommer le commandant de Lonado. Bonaparte fait débander les yeux au parlementaire, se montre, et lui enjoint d’aller dire à ses chefs que, s’ils ont la présomption de vouloir prendre le général de l’armée d’Italie, ils n’ont qu’à avancer; qu’ils doivent savoir qu’il est là avec toutes ses troupes, et qu’eux-mêmes sont prisonniers. Ils veulent parlementer, on refuse toute conférence ; ils demandent du temps, le général ne leur donne que quelques minutes; et quatre mille hommes, qui pouvaient le prendre, mettent bas les armes. XII. Alors, débarrassés de celle divisionennemie, les Français se mirent en marche, le soir même, pour aller à la rencontre du corps d’armée autrichien. Le lendemain, 5 août, on l’aperçut entre Castiglione et le Mincio. Là se livra une bataille qui rendit aux Français la possession de l'Italie prêle à leur échapper. Les corps des généraux Masséna et Augereau attaquèrent vaillamment, tandis que la division Serrurier faisait un mouvement pour envelopper la gauche de l’armce ennemie. Cette manœuvre décida la retraitedumaréchal de Wurmser.