STATUTS DE L'INQUISITION. 537 Le 23 juin 1454. Nous, inquisiteurs d’État, ayant à établir nos statuts ou capitulaires pour nous et pour nos successeurs, arrêtons : 1° Tous les règlements et ordres du tribunal seront écrits de la main de l’un de nous. On n’aura recours à un secrélairc que pour l’expédition des actes d’exécution, et sans l'initier dans le secret du conseil. 2° Le présent statut sera renfermé dans une cassette dont chacun de nous gardera la clef à tour de rôle pendant un mois, afin d’avoir la facilité de se mettre le capitulairc dans la mémoire. 3° La forme de procéder du tribunal sera constamment secrète. Ni nous, ni nos successeurs, ne porterons aucun signe extérieur. Le service public devant être d’autant mieux assuré que le tribunal sera environné de plus de mystère. 4° Les mandats pourcomparaitre seront décernés au nom des chefs du conseil des Dix, qui remettront immédiatement les prévenus à la disposition du tribunal. 3° Il en sera de même pour les arrestations. On ne fera jamais aucune proclamation, aucun acte extérieur. Si la personne à arrêter se trouvait dans une situation telle qu’on ne pût pas lui faire ordonner de se présenter devant les chefs du conseil des Dix, ou si elle refusait d’obéir, on donnera la commission de l’arrêter au capitaine-grand (le chef des sbires), en lui recommandant d’éviter de faire l’arrestation à domicile, mais de tâcher de se saisir de la personne à l’improviste et lorsqu’elle sera hors de chez elle, pour la conduire sous les plombs. C° Le tribunal aura le plus grand nombre possible d’observateurs, choisis tant dans l’ordre de la noblesse que parmi les citadins, les populaires et les religieux. On leur promettra pour récompense de leurs rapports, lorsqu’ils seront de quelque importance, le droit de désigner quelques exilés qu’on relèvera de leur ban, l’expectative de quelques emplois, l’exemption de certaines contributions, ou autres privilèges. On les paiera même en argent, s’ils refusent toute autre récompense; mais ils n’auront point de salaire fixe. Ils seront payés suivant l'utilité de leurs services : et au cas qu’ils se trouvassent embarrassés dans quelque mauvaise affaire criminelle, ou pour dettes, on pourra leur donner un sauf-conduit, mais toujours temporaire, pour huit mois seulement, sauf à le renouveler suivant qu’ils le mériteront par leur zèle. 7° Quatre de ces explorateurs seront constamment, et à l’insu les uns des autres, attachés à la maison de chacun des ambassadeurs étrangers résidant dans cette capitale; pour rendre compte de tout ce qui s’y passe et de tous ceux qui y viennent. HISTOIRE DE VESISB. — T. II. 8° Si les observateurs placés chez un ambassadeur ne parviennent pas à pénétrer les secrets, on donnera à quelque banni vénitien l’ordre de tâcher d’être reçu dans le palais de ce ministre, sous prétexte de profiter du droit d’asile. Des mesures seront prises pour qu’il ne soit point inquiété, et la cessation de son ban, ou d’autres récompenses proportionnées à sa condition, seront le prix de ses découvertes. 9° Jamais les observateurs placés auprès des ministres étrangers ne seront pris parmi les patriciens. 10 Le tribunal s’assemblera le lendemain du jour que le grand-conseil aura tenu une séance. Là on examinera la liste de tous ceux qui auront été élus à des charges qui donnent entrée au sénat. Leur réputation, leur fortune, leurs habitudes, seront le sujet de cet examen ; et si quelqu’un des élus parait mériter quelque suspicion, deux observateurs, toujours à l’insu l’un de l’autre, lui seront attachés pour suivre tous ses pas, toutes ses actions et en rendre compte. Si cette surveillance ne procure aucun renseignement, on lui détachera quelque personne avisée pour lui parler des affaires du temps mystérieusement, pendant la nuit, et l’engager, sous l’appât d’une récompense considérable, à découvrir certain secret du gouvernement à un ministre étranger; et si après celte épreuve, même après y avoir résisté, le patricien ne vient pas sur-le-champ rendre compte au tribunal des propositions qui lui auront été faites, il sera inscrit sur un registre intitulé registre îles suspects, et soigneusement surveillé par nous et nos successeurs. 11° Si, au contraire, le patricien mis à l’épreuve se monlre dispose à faire au ministre étranger les communications demandées, on le surveillera avec encore plus de soin , et s’il lui survient quelque affaire en justice, on fera trainer l'affaire en longueur, de manière qu’elle ne soit terminée qu’après l’expi -ration des fonctions qui donnaient à ce noble l’entrée du sénat. 12° On se procurera quelque intelligence dans la maison de chaque ambassadeur, en lâchant de gagner quelque secrélaire à qui on offrirait une centaine d’écus par mois, seulement pour révéler les communications que quelque noble vénitien pourrait avoir avec le ministre. On fera faire ces ouvertures par quelque moine ou par quelque juif, ces sortes de gens s’introduisant partout. 13° Toutes les fois que le sénat aura nommé un ambassadeur pour aller résider dans une cour étrangère, le tribunal le mandera pour lui ordonner de se procurer quelque intelligence dans le conseil secret du prince près duquel il va être accrédité,dans l’objet de pénétrer et les desseins de celle cour et 22