PIECES JUSTIFICATIVES. Ô8I sileurs en donnaient ensuite communication au ministère ou au conseil, selon qu’ils le jugeaient à propos. Cette marche était formellement réglée par les statuts de l'inquisition d’État. Il est très-vraisemblable que, lorsque le duc d’Ossone eut conçu le projet de s’emparer de la couronne de Naplcs et en eut fait faire les premières ouvertures au résident vénitien, Gaspard Spinclli, cet agent dut sentir que le projet d’enlever la couronne de Naples au roi d’Espagne, était de ces affaires dont les inquisiteurs s’étaient réservé la connaissance, et ils n’admirent sûrement pas à cet important secret un grand nombre de sénateurs. Nous avons vu que les historiens antérieurs à Saint-Réal n’autorisent pas son récit, et que les pièces qu’il cite n'y sont pas conformes; voyons si ceux qui ont écrit depuis le continuent. Quoiqu’on puisse se croire fondé à douter que Saint-Réal ait été écrivain exact dans scs citations, et scrupuleux dans scs récifs, il faut reconnaître que la version qu’il a voulu établir s’est accréditée, non-seulement en France, mais en Italie. Des auteurs graves l’ont adoptée, cl il reste à voir s’ils lui donnent quelque poids. Le plus savant de tous est le patricien Victor Sandi, auteur d’une histoire civile de Venise, en neuf volumes in-4°. Cet écrivain, par l'étendue de son savoir et de ses recherches, par la facilité qu'il a eue de puiser aux sources, mérite la plus grande confiance. Il a rapporté la conjuration beaucoup plus succinctement, mais avec les mêmes circonstances principales que l’auteur français. Le témoignage de cet écrivain, que j’ai eu tant d’occasions de citer, étant à mes yeux d'une très-grande autorité, j’attendais impatiemment qu'il m'indiquât, comme il le fait souvent, où il avait puisé tous ces faits. Je n’eus point cette satisfaction, mais bientôt je m’aperçus que c’était le livre de Saint-Réal à la main qu'il avait écrit, car non-seulement il le suit, mais il le traduit, en y mêlant quelques circonstances qu'il emprunte à Nani. En voici la preuve : PORTRAIT DU HABQC1S DE BEDEMAt. Par Saint-Réal. Par rictor Sandi. Cet ambassadeur était Alphonse de la Cucia, marquis de l’.edemar, l'un des plus puissants génie» et des plus dangereux esprit»«pie l’Espagne ait jamai.i produit». Ou toit par le» écrits qu’il a laissé». qu'il possédai! tout ce qu’il y a dans les historiens ancien» et modernes qui peut former un homme extraordi naire... A cette connaissance profonde de la nature de: grandes a flaires, étaient joints de» talent» singulier» pour le» Quest’ altro uomo. Alfonso della Queva, marchese di Be-demar. era uno de’ genj più • potenti della Spagna, vivacissimo , intraprendente ed erudito ; cosi che atea fama di spirito straordinariamente capace negli affari, pratico mollo nelle cose ili mondo, dotalo di facilità copio»a di scrivere o di parlare, des-crillo dai monumenti urbani t di qualche cronista, per volto di aria sempre giuliva, ma simulatore all' estremità. | manier : une facilité de parler et d’écrire avec un agrément inexprimable; un instinct merveilleux pour se connaître en homme« : un air toujours gai et ouvert, où il paraissait plus de feu que de gravité; éloigné de la dissimulation jusqu'à approcher de la naïveté : une humeur libre el complaisante d'autant plus impénétrable, que tout le monde croyait la pénétrer; des manières tendre», insinuâmes cl flatteuses qui .-miraient le secret de» cœurs les plus difficiles & »’ouvrir : toutes les apparences d’une entière libel lé d'esprit dans les plus cruelles agitations. Sur sa correspondance arec le ministre de Madrid. Il se contenta d’écrire au duc d’l>sèdeque, etc.; le duc lui répondit, en termes généraux. qu’il louait son zèle, cl qu’il se remettait du reste à sa prudence accoutumée. I.c marquis, qui n'attendait pa» d'aulrc réponse, ne songea plua qu’à disposer son dessein. Avea scritto alla sua corto a quell’ altro ministro duca • di t’zeda. vocaboli generici | pensar egli, cioè, di domare !i Veneziani, e ne avea riportale egualmente generiche jriaposle, che perrt alla temperatura del suo ingegno bastarono. On voit que Sandi n'a été dans cette partie de sou ouvrage que l'a brévia leur de Saint-Réal. Or, si uu homme aussi profondément instruit de toutes les partialités de l’histoire de Venise a été réduit à suivre dans cet te circonstance l’auteur français et Nani, il faut croire, ou que les documents authentiques n’existaient pas (011 verra qu’il l’indique lui-mème), ou qu’il était bien difficile d’en obtenir la communication. Une autre preuve que l’historien italien suit pas  pas la narration française, c’est qu’il eu emprunte jusqu'aux simples erreurs. Saint-Réal avait dit que Hcdcmar composa le livre intitulé : Examen de la liberté de Venise, à l’occasion du projet que le duc d'Ossone annonçait d'entrer dans le golfe avec la flotte de Naplcs. L'auteur italien dit : A quitte, occasioni la Queva fece coin-porre quel libbricciuole allrove nominalo Squilinio délia liberlà veneta. C'est-à-dire que selon eux ce livre parut vers 1618; or, c'est une erreur, il était imprimé dès 1612(1). Sandi ne l’ignorait pas; mais il l'avait oublié en lisant Saint-Réal. Comme Sandi n’est point un historien qu’on doive traiter légèrement, je vais rapporter sa version. « Nous voilà arrivés, dit-il, à la fameuse conjura-« lion. Le vice-roi se lia plus étroitement avec le (I) Inl°, — A Mirandole, chez Jlenincasa, Lettres de Bayle, loin. I, p. 133.— Voyez aussi son Dictioniiaiic, »ur le véritable auteur du Squilinio.