230 HISTOIRE DE VENISE. allait le négocier en Italie, le général Moreau, qui commandait sur le Rhin, reçut l’ordre de l’offrir à l’archiduc Charles. Ce prince, faute de pouvoirs, refusa de l’accepter. La cour de Vienne n'envoya point de passe-ports au négociateur français; et, comme, dans ce moment, elle préparait un nouvel effort de scs armées vers l’Italie, pour gagner du temps et pour diviser la négociation, elle indiqua à ce plénipotentiaire deux conférences : l’une à Vicence, avec un général autrichien chargé de discuter les conditions de l’armistice; l’autre à Turin, avec un ministre qui devait écouter les propositions relatives à la paix. Au lieu d’un armistice général, elle commença par ne proposer qu’un armistice partiel en Italie, et elle se réservait la faculté de ravitailler Mantoue et d’en changer la garnison. Ces propositions n’étaient pas acceptables. Elles ajournaient indéfiniment la chute de Mantoue, compromettaient l’armée française sur le Rhin devant toutes les forces de l’Allemagne, et, en changeant totalement la lace des affaires, mettaient la paix définitive au hasard des événements. Les cessions demandées par le directoire se réduisaient à la Belgique et aux possessions autrichiennes sur la rive gauche du Rhin. L’empereur devait reconnaître les réunions faites alors au territoire de la république, soit par la constitution, soit par les lois postérieures. 11 devait accéder au traité signé entre la France et la Hollande, promettre de contribuer à procurer en Allemagne un dédommagement au stathouder, prendre l’engagement de ne s’immiscer en rien dans les différents existant entre le pape et la république, et de ne point poursuivre ses sujets allemands ou italiens qui avaient pu se montrer favorables à la France. Pour prix de ces concessions, 011 lui rendait ses États d’Italie; la France s’engageait à évacuer, après la conclusion de la paix définitive, les électorats ecclésiastiques et le Palatinàt, et elle acceptait la médiation de l’Autriche pour la paix à négocier avec l’Angleterre. Ces propositions n’assuraient pas à l’empereur des indemnités considérables pour la perte de ses possessions sur la rive gauche du Rhin ; mais il recouvrait ses États d’Italie, et le directoire faisait remarquer, non sans quelque raison, que les compensations que l’Autriche pouvait prétendre, se trouvaient déjà en partie dans les envahissements qu’elle avait faits en Pologne depuis quelques années. Les événements ont prouvé combien les conditions que je viens d’analyser étaient modérées. Si l’Autriche les eut acceptées, elle aurait évité des désastres, conservé une grande influence en Italie; et les Français, pour contre-balancer cette influence, se voyaient obligés de se jeter sur les Étals du pape, contre lesquels le général en chef reçut en effet l’ordre de préparer une expédition. Mais la difficulté n’était pas seulement de faire adopter ces conditions par l’empereur, il y en avait aussi à les lui faire parvenir. On ferma au négociateur les chemins de Vienne, et il fut obligé d’aller jusqu’à Florence solliciter l’entremise du grand-duc, pour que ce prince fit arriver jusqu’à l’empereur, son frère, les preuves de la partialité de son ministère, et les propositions de la république française, dont cette demande attestait suffisamment la sincérité. Le général en chef, en rentrant dans Milan après sa victoire, adressa des reproches aux autorités de cette ville, dont les soins ne l’avaient secondé que faiblement pendant cette campagne. On recueillit de son discours des paroles qui étaient faites pour intéresser les Vénitiens. « Si vous ne m’aviez pas laissé manquer d’argent, avait-il dit aux Milanais, et que mes soldats ne se fussent pas trouvés sans souliers, j’aurais détruit l’armée autrichienne, pris Mantoue et fait quatorze mille prisonniers. C’est de la chute de cette place que dépend la possession de Vérone, deBrescia, deBergame et de Crème.Comme j’avais abattu les ailes de l’aigle, j’aurais fait perdre terre au lion. » Ces expressions étaient menaçantes pour Venise. L’explication du mécontentement du général se trouvait dans une lettre qu’il écrivit à cette époque au directoire. « Les Vénitiens ayant accablé de soins l’armée du général Alvinzi, j’ai cru, disait-il, devoir prendre de nouvelles précautions, notamment celle de m’emparer du château de Bergame, afin d’empêcher les partisans ennemis de venir gêner nos communications de l’Adda à l’Adige. Cette province de l’État de Venise est malintentionnée à notre égard. 11 y avait dans la ville de Bergame un comité chargé de répandre les nouvelles les plus ridicules sur le compte de l’armée. C’est sur le territoire de cette province qu’on a le plus assassiné de nos soldats, et c’est de là que l’on favorisait la désertion de nos prisonniers autrichiens. » En effet, le 28 décembre, un corps de quatre mille hommes se présenta devant les portes de Bergame, et demanda à occuper le château. O11 juge combien dut être douloureuse la nécessité de les recevoir, pour ce podestat, qui, depuis si longtemps, préparait avec tant de soin le soulèvement de toute la population de la province. A peine entré dans la ville, le commandant français exigea qu'on en fit sortir toutes les troupes vénitiennes, demande qui fut éludée en partie. Les Français s’emparèrent d’un magasin d’armes. Les plaintes du gouverne-