510 HISTOIRE DE VENISE. inquisiteurs d’Élal pour une affaire particulière. Les six personnes composant le tribunal délibéreront, et il faudra cinq voix pour prononcer la condamnation. On procédera dans cette affaire avec le plus grand secret, et en cas de condamnation à mort, on emploiera le poison de préférence à tout autre moyen. Si l’accusé n’était pas chef du conseil des Dix actuellement en exercice, il sera jugé par les inquisiteurs d’Etat seuls. 58° On emploiera les formes établies par l’article ci-dessus dans le cas d’une affaire très-importante pour la république où le doge lui-même serait impliqué, mais toujours en n’agissant qu’après une inùre délibération. 59° Le noble, mécontent, qui parlerait mal du gouvernement, sera appelé et averti deux fois d’êlre plus circonspect. A la Iroisième, on lui défendra de se montrer, de deux ans, dans les conseils et dans les lieux publics. S’il n’obéit pas, s’il n’observe pas une retraite rigoureuse, ou si après ces deux ans il commet de nouvelles indiscrétions, on le fera noyer comme incorrigible. 40" Il y aura des surveillants non-seulement à Venise, mais encore dans les principales villes de l’État, cl principalement sur les frontières, lesquels devront se présenter en personne deux fois l’an devant le tribunal, pour y déclarer s’il est à leur connaissance que les gouverneurs, ou d'autres personnages marquants, aient quelques intelligences avec les princes voisins, ou qu’ils se conduisent mal. Au moindre avis de quelque désordre nuisible au service public, le tribunal y remédiera avec vigueur, mais en ayant soin de ne pas se laisser égarer par la calomnie. Les surveillants pourront encore faire leurs rapports par écrit en cas d’urgence, et les avis importants seront récompenses avec libéralité. 41° Les gardiens des écoles ne pourront assembler leur chapitre sans en prévenir les provéditeurs chargés de la police des couvents, ni tenir le chapitre ni prendre aucune délibération hors de la présence d’un de ces provéditeurs au moins, et cela afin d’éviter les inconvénients des conventículos populaires. 42° Lorsqu’un patricien ou citadin sollicitera quelque grâce, le secrétaire chargé de lire sa requête la portera d’abord au secrétaire de notre tribunal. Celui-ci vérifiera si le nom du pétitionnaire se trouve sur le registre des suspects, et dans ce cas les conseillers et les sages seront avertis de ne faire aucune proposition en faveur du réclamant. 43" Si un avogador entreprend la censure des actes du conseil des Dix devant un autre conseil, il sera mandé devant le tribunal, cl là on l’avertira qu'il ne convient pas aux intérêts de la république que de telles censures soient provoquées, parce que ce n’est pas à la multitude sans expérience de juger les opérations des hommes consommés : que si quelque acte ou jugement du conseil des Dix lui parait susceptible d’observations, il peut les soumettre à ce conseil lui-même, qui réformera ses actes s’il y a lieu. Après celle admonition, si l’avogador persiste à vouloir porter l’affaire dans le grand-conseil ou devant le sénat, prétendant que c’est un droit de sa charge, on lui représentera que la loi qui a institué les avogadors n’a pu soumettre les actes du conseil des Dix à leur censure, parce que le conseil des Dix n’existait pas encore. Si, malgré cette observation, il persiste dans son dessein, on lui ordonnera de s’en désister, on lui imposera silence, et s’il demeure inébranlable, il sera forcé, avant de sortir du tribunal, de déclarer par écrit devant quel conseil il compte porter sa réclamation. On ne procédera point contre lui pour le moment ; mais on chargera quelqu’un des surveillants, sous un nom supposé, de lui chercher querelle comme à un homme privé accusé de quelque délit. L’affaire sera portée devant les chefs du conseil des Dix, lesquels ordonneront immédiatement l’instruction du procès; son arrestation sera ordonnée, toujours comme homme privé, et sans faire aucune mention de son obstination à vouloir accuser "le conseil. Les inquisiteurs d’Élat donneront avis des véritables circonstances de l’affaire au doge, aux chefs du conseil des Dix et à quelques membres de ce conseil, principalement à ceux qui auront siégé à l’inquisition d’Etat, afin qu’ils concourent par leurs suffrages à faire prononcer l’arrestation du téméraire avogador. Ainsi mis en jugement comme homme privé, poursuivi comme prévenu d’un délit, il se trouvera suspendu de ses fonctions et privé des droits de sa charge. S’il se présente de lui-même et vient se constituer prisonnier, on fera traîner la procédure jusqu’au moment où ses fonctions devront expirer, et ensuite il en sera du jugement de l’affaire ce qu’en ordonnera la raison d’JÉtat. Si à cette occasion il s’élève quelques murmures, les auteurs en seront vivement réprimandés, et cela avec apparence de justice, parce qu’on ne doit pas se donner la licence de parler sur les affaires secrètes, et qu’on mérite le blâme quand on parie inconsidérément de ce qu’on ne peut pas savoir. 44° Si quelque banni de Venise se présente devant un ambassadeurdc la république cl lui déclare qu’il a à faire des révélations qui intéressent l’État, l'ambassadeur lui délivrera un sauf-conduit, pour qu'il puisse se présenter devant le tribunal. Ce sauf-conduit ne sera que pour trois mois. Eu arrivant à la frontière, le banni se présentera secrètement au gouverneur en lui exhibant le sauf conduit. Celui-ci