LIVRE XXXVIII. liens, en invitant les villes de la terre-ferme, de l’Istrie, de la Dalmatre et du Levant, à s’unir à la mère-pairie, qui sera toujours Venise. « Publication d’un manifeste, annonçant au peuple qu’il aura un gouvernement démocratique et le choix de ses représentants. « Brùlement des signes de l’ancien gouvernement, demain, au pied de l’arbre de la liberté. «Amnistie pour toutes les opinions et délits politiques passés, quels qu’ils soient. « Déclaration de la liberté de la presse, avec défense de parler contre les actes passés des personnes ou du gouvernement. «Ensuite la municipalité, accompagnée du peuple, se rendra à l’église Saint-Marc, où la Sainte-Vierge sera exposée, et on y chantera un Te Deum, ainsi que dans les autres églises. « Quatre mille Français seront invités à entrer dans la ville. On leur remettra la garde de l’arsenal, de Chiozza, du fort Saint-André, et de quelques ¡les environnantes, dont on conviendra avec le général français. Le blocus sera levé. Le palais, la monnaie, les autres bâtiments intérieurs et les postes d’honneur resteront occupés par la garde civique. « La flotte vénitienne sera rappelée, après l’entrée des Français, et restera sous les ordres des généraux français, qui, pour en disposer, s’entendront avec la municipalité. « Présidents de la municipalité provisoire, l’ex-doge Manini, et André Spada. « Députés à envoyer à Bonaparte, François Bat-taja, et Thomas-Pierre Zorzi. « Rappeler le ministre qui est à Paris, et y envoyer à sa place Thomas Calligini, avec Sordina, pour secrétaire. « Envoi d’une adresse et d’un ministre aux républiques batave et transpadane. « Rappel et remplacement de tous les ministres qui sont dans les cours étrangères. « Assurance donnée aux ex-nobles pauvres d’un traitement viager sur les biens nationaux, ou par tontine. « Garantie de la monnaie et de la banque, à la charge de la nation. « Réserve au général Bonaparte de la faculté de combiner, dans le traité de paix, toutes les mesures relatives aux intérêts de son armée et de la république française. « On promet d’intervenir auprès de Bonaparte en faveur des inquisiteurs d’État, sous la condition que désormais il sera permis à tous les citoyens de communiquer avec le corps diplomatique. « Stipuler que, dans la municipalité, on ne pourra admettre qu’un tiers d’cx-nobles, qui seront choisis parmi les vrais patriotes. » On venait de lire, dans le comité assemblé chez le doge, cet étrange écrit, où, en le supposant authentique, une main étrangère, celle d’un agent subalterne, traçait d’une manière à la fois si vague et si absolue, une conduite à l’autorité, un nouveau système de gouvernement, et jusqu’aux choix que Venise avait à faire pour s’administrer au dedans et se faire représenter au dehors. On en était encore dans l’étonriement, lorsqu’on reçut un rapport de Nicolas Morosini, chargé de veiller à la tranquillité publique dans Venise, qui écrivait que, prévoyant un mouvement, il ne pouvait répondre de rien, si, dans le jour, on ne mettait de nouvelles forces à sa disposition. La terreur, qui allait toujours croissant, détermina la majorité de l’assemblée à se soumettre à toutes les propositions qui venaient d’ètre lues. Deux des conseillers et les cinq sages de terre-ferme s’y opposèrent sans succès. Ils eurent beau représenter qu’elles n’avaient aucun caractère officiel; que l’armistice venait d’être prorogé pour huit jours. On se détermina à nommer deux commissaires, pour concerter les moyens d’exécution de toutes ces mesures, et on motiva cette détermination précipitée sur le défaut de temps, qui, disait-on, ne permettait pas de demander-au grand-conseil la ratification qu’il s’était réservée. Cependant on obtint un délai de quatre jours. Il s’agissait de disposer les choses de manière que le grand-conseil abdiquât spontanément le pouvoir. On désarma la llottille et on lit embarquer les Es-clavons. Cette soldatesque indisciplinée, en arrivant en Dalmatie, signala la haine dont on l’avait animée contre les Français, par le massacre de tous leurs partisans, et par l’assassinat du consul de France à Sebenigo et de sa femme. XI. Enfin, le 12 mai, le grand-conseil fut convo-voqué. 11 ne s’y trouva, dit-on, que cinq cent trente-sept personnes. Un a vu que, dans les affaires importantes, le grand-conseil ne pouvait délibérer s’d n’y avait au moins six cents membres présents : ainsi la séance dont il s’agit n’était pas légale. Le doge, troublé et tremblant, parla avec une éloquence pathétique de la situation de la patrie. On lut un rapport prolixe des commissaires; ensuite un orateur entreprit de développer les propositions. Pendant ce discours, des coups de fusil se firent entendre hors du palais. C’étaient, selon les uns, des gens du peuple qui tiraient pour jeter l'épouvante dans l’assemblée; et selon quelques autres, des Esclavons qui déchargeaient leurs armes au moment de les remettre. Il est impossible d’exprimer j la confusion que ce bruit inattendu répandit dans j la salle. Toute la noblesse se crut au moment d’ètru