386 HISTOIRE DE VENISE. ration devait éclater, que Venise était au roi, parce qu'ils regardaient leur entreprise comme infaillible. Quelle apparence que le gouverneur de Milan, qui n’avait que peu de pari à cette conjuration, en eût annoncé le succès d’avance?que le marquis de Itede-mar, qui était sur les lieux, et qui voyait Jacques Pierre absent, et les autres conjurés prêts à partir, «■lit considéré comme achevée une entreprise pour l’exécution de laquelle on n’était pas encore d’accord avec le duc d’Ossone? Il n’y a que celui-ci qui, à la rigueur, eût pu s’aviser de ce moyen, pour donner à croire qu’il méditait sincèrement et avec impatience la perte de Venise. Nous avons analysé les pièces de la procédure; elles n’établissent pas clairement, à beaucoup près, le fait de la conjuration, que les Vénitiens avaient inlérét d’accréditer. L’authenticité de cette procédure doit être tenue pour suspecte, parce qu’elle ne s’accorde pas avec un autre écrit provenant des archives même de Venise, el que j’ai eu sous les yeux (1). Cet écrit est la correspondance du gouvernement vénitien avec son résident à Milan, pendant les années 1618 et 1619. On lui fait part de ce qui se passe à Venise, de ce qu’il doit dire à ce sujet, et on lui envoie, pour lui servir d’instruction, les rapports du conseil des Dix, el des lettres écrites à l’ambassadeur de la république en Espagne. Il n’y est question ni de communications faites aux ambassadeurs étrangers, ni de perquisitions chez le marquis de Redemar, ni d’armes trouvées. On y dit que cet ambassadeur vint de lui-même au collège sans y être appelé, et dans l’objet de demander des sûretés pour sa personne. On rapporte textuellement les discours qu’il y tint : ils ne sont nullement couronnes à ceux que l'abbé de Sainl-Réal lui prête. On y voit un homme effrayé de la haine du peuple ; mais le collège ne lui fait pas le moindre reproche. Cet ambassadeur ne partit de Venise que le 1 i juin, c’est-à-dire un mois après la découverte de la conjuration. Dans les premières pièces de cette correspondance, le gouvernement charge son ambassadeur à Madrid de solliciter le rappel du marquis de Bede-mar, mais sans l'accuser, sansénonceraucun grief, seulement en laissant entrevoir qu'on s'eu abstient par respect pour le roi. (t) Voyez-en l'extrait ci-après. (S) Lalande dit, au sujet de cette conspiration, dans son f'oyttge d’Italie, qu'elle a passé pour n’avoir rien de réel, et que le marquis de t'aulmy avait trouvé cette assertion énoncée d'une manière formelle, dans un manuscrit d’un de ses ancêtres, alors ambassadeur à Venise. L’ambassadeur de France à Venise, en 1618, n’était point de la famille du marquis de Paulmy, il se nommait Léon Toute celte affaire reste mystérieuse pendant les trois premiers mois. Les rapports du conseil des Dix, qui se trouvent dans le recueil, sont d’une date un peu tardive; car le premier est du 31 juillet 1618, et les autres des 26 septembre et 17 octobre. On y raconte la conjuration à peu près comme les auteurs vénitiens sont convenus de la rapporter ; et par conséquent ces récits sont susceptibles de la même critique. On y voit que les actions de grâces à la Providence ne furent décrétées que le 19 octobre. C’était s’en aviser un peu lard ; car il y avait cinq mois que la conjuration était découverte et punie. On y voit que le conseil des Dix avoue avoir reçu des révélations de Jacques Pierre; mais, selon lui, elles ne lui auraient été faites que dans le mois de mars 1618, et il est constant que, quatre jours après son arrivée à Venise, c’est-à-dire dans les premiers jours d’aout 1617, Jacques Pierre avait commencé ses révélations. Ainsi ni la procédure ni les rapports du conseil des Dix ne sont exacts. Mais quelle confiance peuvent mériter ces rapports et celle procédure, lorsqu’on y voit que le gouvernement ne fut averti de la conjuration qu'au moment où elle était sur le point d’éclater, et qu'on se rappelle qu’il en avait connaissance un an auparavant? lorsque dans ces rapports, dans cette procédure, les premiers révélateurs, Jacques Pierre et Renault, sont au rang des premiers coupables? lorsqu’on voit périr l’un, malgré scs.dénégations, et l’autre sans èlrc interrogé? Nous avons opposé à ces pièces la correspondance authentique des ambassadeurs, qui les dément sur plusieurs faits importants (2). Enfin, nous avons constaté l’existence d'un fait contraire à celui que les Vénitiens ont voulu établir, d’un fait attesté par trois historiens, par un Napolitain, par un Français, et même par un Vénitien. Il est difficile de se refuser à croire que le duc d’Os-sonc aspirât à la couronne. Mais s’il aspirait à la couronne, il ne pouvait pas conspirer contre Venise. Voilà la base de la nouvelle solutionque j’ai cherché à donner de ce problème ; je ne la propose pas comme incontestable, mais comme appuyée sur des faits avérés, comme ayant l’avantage de rendre rai- llruslart ; c'est de 1651 i 1659 que MM. d’Argenson père et Hls occupèrent celle ambassade, et en 176S qu'elle fut remplie par le marquis de Paulmy. Comme Lalande ne dit pas s’il tient ce renseignement du marquis de l’aitliny lui-méine, ou s’il l'a lu dans ses ouvrages, il est difficile de vérifier la citation; mais j'ai trouvé dans les Mélanges tirés d’une grande bibliothèque, lom. 55, p. 61, ce passage: »leujarqisis de Bcdemar a