m HISTOIRE DE VENISE. tais homme à mettre à exécution une belle entreprise dont il n’ignorait pas qu’il m'avait été parlé à Naples. <> Je lui répondis que, si je fusse venu avec quelques barques que le duc d’Ossone faisait construire pour les mettre à ma disposition, connaissant les localités comme je les connais actuellement, il m’eùt ■ été facile de mettre à exécution son dessein, quiétait que je vinsse à Venise avec trois cents hommes de guerre et deux cents marins, mettre le feu à l'arsenal et enlever ou brûler quelques galéasscs qu’on savait en armement. » Sur quoi il me répliqua que non, qu'il fallait que je me décidasse le plus tôt qu’il me serait possible, sur-le-champ, à retourner auprès du duc, où j’acquerrais des droits à une couronne ; mais que cette affaire n’était pas de nature à être traitée par écrit, et qu’il importait que j’allasse expliquer de vive voix au duc comment il fallait s’y prendre. Il me dit qu’on pouvait faire ici ce qu’on voudrait, parce qu'il n’y avait aucun chef qui fût homme de tête et de valeur; qu’on en avait bien vu la preuve le jour de la procession des reliques, où quatre ou cinq hommes, qui avaient fait le coup de poing à Saint-Marc , avaient mis tout le peuple en déroute ; et encore, il n’y avait que trois jours, lorsqu’on avait vu toute la ville en alarmes pour l’arrivée d’un vaisseau marchand ; qu’en un mot il n'y avait pas le moindre doute qu’avec un petit nombre d’hommes tle résolution, on ne pût entreprendre ici tout ce que l’on voudrait; que la perte de Venise entraînait celle de tout l’État; qu'il n’en était pas de ce gouvernement comme d’un roi de France, d'Espagne ou d’Angleterre, qui pouvaient perdre leur capitale sans que le royaume fût perdu. « Alors le capitaine Alexandre prit la parole et se mit à parler des moyens qu’il y avait à employer pour le succès de l’entreprise. Je lui dis que les trente barques q u’on armait à Naples pouvaient su dire pour opérer de grandes choses, parce qu’elles étaient construites de manière à passer partout, ne tirant que trois palmes d’eau,et que chacune pouvait contenir cent hommes. Alors l’ambassadeur me prit le bras qu'il me serra fortement, en me répétant qu'il fallait que j’allasse sur-le-champ à Naples. Je m’excusai sur ce qu’ayant reçu ma paie jusqu’au lSdu mois prochain, je ne pouvais avant ce terme demander mon congé (I). Il répondit que je faisais bien, que c’était agir en homme d’honneur, que cependant je me disposasse à partir dès que je le pourrais, et qu’en attendant il en donnerait avis au duc. (l)On voit que Jacques Pierre ¿lait i ta solde du gouvernement vénitien, à compter du 15 août 1017. •i Sur cela, le capitaine Alexandre demanda à monsieur l'ambassadeur s’il avait expédié la dépêche qu’il savait, et si le porteur avait pris toutes scs précautions pour n’être point découvert. A quoi l'ambassadeur répondit qu’il n’en faisait aucun doute ; qu’au surplus la lettre élait en chiffres, et qu'il le donnait au plus habile de la déchiffrer. » Au dos de cette pièce, ou lit cette note delà main de H. de Léon : Touchant le capitaine Alexandre, ad ris donné par Jacques Pierre « la république de Ce qu’il acail descouvert avec l'ambassadeur d'Espagne. Celte pièce, de même que la précédente, est, non pas une copie, mais une minute; il y a même à la fin un alinéa effacé, mais qui peut se lire, et dont le contenu était remarquable. « l.e capitaine Jacques fera dans la journée de demain, un autre rapport à sa sérénité sur ce que la sérénissiiue république a à faire pour sa conservation, et sur ce qui a été traité à Naples par un marquis que l'archiduc a envoyé au duc d’Ossone. Il se trouve déjà à Naples un capitaine anglais Allyau (il veut dire Hélyot),qui passa par ici^il y a à peu près un an, avec deux Allemands. Le capi-; laine Alexandre et moi avons souveut parlé de cette affaire, et nous avons pris heure devant l'ambassadeur pour aller ensemble dans une barque faire j tout le tour de Venise. » Ce passage a été supprimé du rapport. On en trouve un troisième au feuillet á!5á, sous la date du 13 octobre 1617,celui-ci a été rédoit de moitié; i il contient quelques détails relatifs aux premières ( liaisons du capitaine Pierre avec le duc d’Ossone, et révèle un projet de ce vice-roi sur une place de I la còte d'Albanie, appelée la Vallone. Plus loin, on trouve encore un autre écrit de Jac-| ques Pierre, toujours en minute, intitulé: Bref dis-\ cours que te capitaine Jacques Pierre présente ó sa sérénité, sur les desseins el entreprises que le roi d'Espagne ou ses ministres méditent contre le I.e-rant, et notamment contre la Macédoine et la Morée. Je me dispense de le traduire. La conséquence à tirer de ces quatre pièces est que Jacques Pierre avait des rapporls avec le duc t d’Ossone, avec l'ambassadeur d’Espagne, avec le gouvernement vénitien, et avec l’ambassadeur de France. Mais qui servait-il? qui trompait-il? Ile deux choses l’une, ou les avis qu'il donnait étaient vrais, ou bien ils étaient faux. S'ils étaient vrais,il est évident qu’il servait les Vénitiens et qu'il trahissait les Espagnols; car il ne pouvait pas se flat-i ter d’inspirer assez de confiance aux premiers pour qu’ils s'abandonnassent entièrement à lui. Le personnage qu'il faisait éveillait naturellement le soup-i çon; el enfin, lorsqu’il avertissait le gouvernement