PIÈCES JUSTIFICATIVES. 401 résolution, adressée non à moi, mais à Robert Bru-lart. Si elle fût arrivée à temps, le dessein aurait déjà reçu son exécution, et Venise serait en notre pouvoir. Pour que votre excellence soit convaincue de la facilité de ce que je proposais, je lui envoie mon plan; elle verra si l’entreprise était illusoire; si Dieu roc donne vie et me fait la grâce do n'être pas découvert, je promets à votre excellence de rassembler encore mon monde, et de venir à bout de mon dessein. Pour que votre excellence en soit convaincue, je commence par lui exposer le nombre d’hommes sur lequel je crois pouvoir compter. « D’abord le régiment de Lievenstcin, qui est de trois mille cinq cents hommes. Les officiers sont à nous, si ce n’est tous, au moins les principaux; ceux qui ont le plus d’influence sur les soldats, comme M. Durand, sergent-major, le capitaine Tornois qui commande trois cents mousquetaires, et beaucoup d’autres qu’il est inutile dénommer; et presque toute la troupe dans l’ancien régiment du comte de Nassau, qui est aujourd'hui celui de M. de Boque-vaux; j’avais plus de huit cents soldatsct plusieurs officiers. Ils avaient donné leur parole aux agents que je leur avaisenvoyés plusieurs fois. J’avais plus de quinze cents hommes sur divers points dans les provinces, et outre cela je faisais recruter sur les frontières, notamment par M. d'Oreble, que je m’étais proposé d’envoyer à votre excellence, mais que j'ai ensuite retenu, jugeant qu'il serait plus utile de l'employer à cette levée, et plusieurs autres que je ne nomme pas. Il suffit de dire que, dans le courant de février, j’étais sûr de réunir plus de cinq mille hommes. « Voici comment je comptais les employer. D’abord je m'arrangeais pour que le même jour ils se trouvassent tous à Venise, et spécialement ceux qui campaient dans le Frioul et ceux de la terre-ferme. Ils devaient s'emparer de toutes les barques qui sc trouvent au pont de Iliallc, aller chercher au lazaret les gens du comte de Lievenstcin et les conduire ici. Mais auparavant j’en aurais choisi cinq cents pour les poster sur la place Saint-Marc, pour tenir jusqu'à l’arrivée des autres, en cas de besoin. J’en plaçais aussi cinq cents autres devant l’arsenal, dont ils devaient se rendre maîtres aussitôt qu’on en aurait fait sauter la porte avec un pétard. Mais leur consigne était de nefaircaucun mouvement jusqu’à ce que ceux du lazaret fussent arrivés, si l'affaire n'éclatait pas auparavant. u Aussitôt après l'arrivée des gens de Lievenstcin, cinq cents devaient aller renforcer les cinq cents hommes laissés devant l'arsenal. Ces mille hommes devaient être sous le commandement du capitaine de Teruon, secondé par divers officiers, entre autres par le capitaine Lays de VilUinezzana, lequel HISTOIRE DE VEXISK.— T. T1. devait venir du camp avec le capitaine Guillaume Ilclrosi, lieutenant du capitaine Gonorato à Palma. Ces officiers, connaissant parfaitement l’arsenal et les environs, devaient agir sous le capitaine de Ternon. •i En même temps le sergent-major Durand devait m’amener cinq cents mousquetaires sur la place Saint-Marc, pour en garder les avenues et faciliter le débarquement des autres. « Nous devions répartir nos mille hommes ainsi qu'il suit : « Deux cents dans le palais, pour s’emparer subitement de la salle d'armes et en fournir à tous ceux qui auraient voulu embrasser notre parti; et je puis assurer votre excellence que le nombre en aurait été considérable, quand ce n’eût été que l’appàt du butin. « Cent à la procurati«, où les procurateurs se tiennent pour la garde du grand-conseil. Ce corps-de-garde devait se rendre maître du clocher, et à cet effet dans le jour nous y aurions introduitquelques hommes chargés d’enivrer et d'endormir ceux qui occupent ordinairement ce poste, ctqui ne sont point armés. * Mallrc du clocher, mon projet était d’y faire monter huit pièces d’artillerie, que nous aurions prises à l'arsenal, pour tenir la ville en respect. ■< Je comptais placer cent hommes sous les portiques de la vieille procuralicct dans la tour de l'horloge, où il y a une garde de nuit pour la sûreté des boutiques; prendre deux canons de la fustc du conseil des Dix, en attendant qu'il m’en vint de l'arsenal, elles mettre en batterie, pour empêcher qu'on ne vint par la rue de la Mercerie nous attaquer sur la place. Je comptais même barricader la rue avec des tonneaux remplis de terre.