LITRE XXVI. VACANCE DU TRONE DE MILAN. — GUERRE CONTRE LES TURCS, 1850-1 540.— ACQUISITION DE MABANO DA!\9 LE FIlIOUL. — PAIX DE TRENTE ANS, 1840-1870. I. La paix ramenée dans l’Italie, toute l’attention de l’Europe se tourna vers deux objets principaux, les progrès de la réforme de Luther, et ceux de la puissance ottomane. Étrangers aux troubles de l’Allemagne, sans les voir d’un œil indifférent, les Vénitiens n’auraient pas voulu que le schisme s’introduisit chez eux ; mais ils ne se crurent pas obligés d’employer leurs armes pour l’extirper chez les autres. Ils résistèrent invariablement à toutes les demandes du pape, qui avait voulu prêcher une croisade contre les Luthériens, et refusèrent même de prendre, par leurs ambassadeurs, la moindre part aux conférences qui eurent lieu à Bologne pour cet objet. Le motif de cette circonspection n’était pas qu’ils favorisassent le luthéranisme, quoiqu’au fond ils vissent sans regret le pppe et l’empereur occupés •l’une affaire difficile à terminer; mais ils craignaient que les Turcs, alors en guerre avec l’Autriche, ne se crussent menacés par cette union de plusieurs puissances chrétiennes, et ne s’en vengeassent sur les possessions de la république. Elle apporta tous ses soins à se maintenir en paix avec Soliman comme avec Charles-Quint; et, pour rendre sa neutralité respectable, elle arma une flotte de soixante galères qui parcourait ses colonies, croisait à l’entrée du golfe, accueillait avec une égale amitié Barberousse cl Doria, les deux amiraux des (loties impériales, et se mettait cn bataille quand l’un ou l’aulre faisait quelque démonstration de vouloir entrer dans l'Adriatique. ^elte conduite réussit pendant quelque temps à concilier à la république les égards des puissances belligérantes. Les chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem, établis dans l’ile de Malte, que Charles-Quint leur avait donnée depuis la prise de Rhodes par les Turcs, faisaient des courses sur toutes les mers du Levant, pour enlever les vaisseaux des infidèles. Le sénat leur fit signifier de ne pas se présenter dans le golfe, et d’avoir à respecter le pavillon de la république. L’un d’eux, s’étant avisé de faire le métier de corsaire, fut pris par les galères vénitiennes et mis à mort. Les armes ottomanes venaient d’enlever aux Ma-melucks la possession de I’Égypte. Soliman avait entrepris de rappeler à Constantinople tout le commerce de l’Asie. Cinquante mille hommes travaillaient infructueusement à creuser un canal de communication entre la mer Rouge et la Méditerranée. Dans cette vue, il avait défendu à toutes les nations étrangères de rien acheter cn Égypte ou cn Syrie, et il faisait transporter dans sa capitale toutes les marchandises qui arrivaient dans les ports de ces deux pays. Non-seulement les Vénitiens eurent l’art de le désabuser de ce système, et d’obtenir la permission de commercer librement dans ces échelles comme par le passé, mais ils conquirent de nouveaux avantages, et le grand-seigneur leur permit l’exportation du salpêtre, des blés, et de quelques autres objets. Depuis que les Turcs étaient maîtres de ces contrées, les Vénitiens avaient avec eux un intérêt commun, celui de disputer aux Portugais le commerce de l’Asie. Lorsque Charles-Quint revint cn Italie, en 1855,