114 HISTOIRE DE VENISE. LITRE XXXII. GUERRE I)F. LA VALTEUNE.— GUERRE POUR I.A SUCCESSION DE MAIVTOUE. — MODlFlCATIOriS DAKS I.F.S ATTRIBUTION DU CONSEIL DES DIX.— Df.MÊl.ÎS AVEC I.E PAVE.—PESTE A VENISE.— EROUILLERIES AVEC l.ES TURCS, 1618-1044. 1. En exposant les raisons qu’il peut y avoir de douter que les Espagnols aient été les auteurs de la conjurationde1618, on n’a pas prétendu les disculper d’avoir troublé, par leur ambition, la paix do l’Italie. Sans eux, il est probable qu’elle aurait joui d’un assez long intervalle de tranquillité. Médiateurs, protecteurs, arbitres, tous les rôles leur furent bons pour agrandir leurs possessions et leur influence; et la politique du sénat de Venise fut constamment employée à retarder leurs progrès. Il y avait, à l’orient de la Suisse, entre les sources du Rhin et le Tyrol, un Etat fédératif, composé de trois petites républiques, qu’on appelait les Ligues-Grises. Les opinions des novateurs, qui voulaient réformer la religion, y avaient pénétré, et avaient jeté des semences de divisions parmi ces trois républiques confédérées. Les habitants de ces montagnes avaient acquis autrefois, moitié par violence, moitié par des traités, une des petites vallées qui se trouvent sur le revers des Alpes, vers l’Italie. On appelait cette province la Valteline. Elle supportait impatiemment le gouvernement des Grisons; parce que leur joug était dur, comme l’est, presque toujours, celui des républiques. Les deux branches de la maison d’Autriche, possédant, l’une le Tyrol, à l’est de cette province, et l’autre le Milanais, au sud-ouest, convoitaient, depuis longtemps, la Valteline, afin d’établirunecommunication facile entre leurs États. Elles y auraient trouvé un second avantage, celui d’envelopper, depuis les bords du Lisonzo, jusqu’à ceux du Pô, la république de Venise, et de la priver de toute communication avec la Suisse et avec la France. Déjà un gouverneur do Milan avait fait commencer, à l’extrémité du lac de Côme, un petit fort, qui le rendait maître de l’entrée de ces vallées. Au mois de juillet 1620, les Autrichiens et les Espagnols encouragèrent les Valtelins à la révolte, et leur fournirent un petit secours de trois cents hommes. 11 n’en fallait pas davantage pour allumer la guerre civile; elle éclata, et ce fut avec toute la fureur qui signale les insurrections et les guerres de religion : les magistrats grisons furent massacrés. Le sénat de Venise, dès l’instant qu’il avait découvert les projets dès Espagnols, s’était empressé de se lier avec les Grisons; il avait reçu leurs ambassadeurs avec une magnificence, qu’on accusait d’aller jusqu’à la corruption; on leur avait rendu, sur leur passage, des honneurs extraordinaires, on les avait comblés de présents. Cette alliance, pour laquelle on montrait tant d’empressement, n’était pas sans quelques dangers. Les personnages graves qui les prévoyaient, manifestaient leur inquiétude, au milieu des réjouissances publiques, et demandaient si le Saint-Esprit, qu’on avait invoqué, était bon politique. La ligue signée, on réclama l’intervention de la cour de France, pour obtenir, du gouvernement espagnol, la démolition du nouveau fort qui fermait l’enlrée do la Valteline ; mais ce fort s’élevait avec une effrayante rapidité,et se trouva bientôt pourvu de soixante pièces d’artillerie et d’une bonne garnison.