30i HISTOIRE DE VENISE. gager à sc rendre au tribunal volontairement. Eu même temps, dans la supposition qu’ils avaient pu concevoir quelque crainte et prendre la fuite, le ca-pilaine-grand et ses divers agents Turent chargés de veiller sur eux, mais sans laisser soupçonner leur mission,au cas qu’ils voulussent venir d’eux-mèmes révéler ce dont ils avaient dit quelques mots. Le patricien susdit les amena en effet dans la maison de l'illustrissime Marc-Antoinc Marcello, un des inquisiteurs d’Ëlal, qui fit sur-le-champ appeler scs deux collègues et le secrétaire Comino. On introduisit ledit patricien et les deux étrangers. Là, le patricien dit que Dieu avait inspiré à ces deux messieurs de révéler un complot qui se tramait contre la république; et, après quelques paroles de compliment et une exhortation à ces étrangers de révéler ce qu’ils savaient, avec promesse de leur donner une pleine satisfaction et l'assurance du plus pro-Tond secret, ils répondirent que, depuis quinze jours, ils avaient l’intention de faire connaître ce qui se tramait contre la république; et M. Branhilla, Français, qui entend bien la langue italienne, dit : «Leurs seigneuries illustrissimes doivent savoir comment, après la mort du comte Jean de Nassau dans le Frioul, les affaires commencèrent à prendre une tournure pacifique. Les troupes avaient éprouve quelques désagréments, tant à cause de leur paie que par divers accidents. La majeure partie des soldats était disposée à sc mutiner, mais le général Iiarbarigo eut la sagesse de les diviser après qu’il en eut fait tuer plusieurs sous Gradisca. La fermentation s’accrut de manière que, les chefs ayant été mandés à l’adouc, et les troupes hollandaises et françaises ayant été réparties dans les diverses places de la terre-ferme, les mécontents délibérèrent, d’accord avec le capitaine Jacques Pierre et M. d'Arnault,qui avaient fait venir trois cents de ces hommes dans la ville, de choisir le temps de la foire de l’Ascension, pour attaquer les postes de cette capitale, de se répandre dans Gaslclio cl dans le quartier Saint-Marc, de mettre le feu à l'arsenal, à la monnaie, au palais ducal, de mettre la ville au pillage à l’aide de trois cents bons sujets, capitaines, caporaux, cl autres gens de main qui s’y trouvaient.On devait faire donner avis à tous les soldats hollandais, français, et autres étrangers, de se rendre à Venise pour ce jour-là, sans leur dire ce dont il s’agissait, mais en leur révélant seulement que l’entreprise serait fort profitable. On avait conféré bien des fois sur cette affaire dans la maison de M. d’Arnault et des ambassadeurs de France et d'Espagne, lesquels véritablement avaient connaissance de la chose qui se traitait, cl y donnaient les mains. L’ambassadeurd’Espagnc avait dans son palais des armes en qualité suffisante, pour armer plus de cinq cents hommes. Au moment où on mettrait le feu à la ville, de tous les côtés à la fois, et notamment à l’arsenal, le capitaine Pierre devait faire une tentative semblable pour détruire la flotte, et tâcher, s’il le pouvait, de s’emparer de quelques places maritimes, de méine à Brescia et dans toutes les autres villes de terre-ferme, et ayant dans toutes des officiers et des soldatsqui étaient du complot. Après ces succès obtenus à Venise et sur la mer, ils devaient se rendre maitres de toutes les villes. Des troupes devaient venir de Milan et du Tyrol pour donner main-forte aux conjurés et aux citadins qui auraient voulu se joindre à eux. En somme, il dit que, si on ne se hâtait de mettre la main sur beaucoup de gens, qui étaient épars dans tous les logements garnis de Venise, leur projet réussirait, parce qu'ils étaient résolus de le tenter ; que cela était certain; qu’on pourrait apprendre beaucoup de particularités secrètes de M. d’Arnault, car il tenait tous les fils de ce complot dans la main. C’était lui qui, ayant une connaissance parfaite de Venise, avait donné le plan de l'opération. Le déposant termina en affirmant que ce qu'il venait de dire était la vérité. » Ce rapport entendu, sans mettre en liberté ces deux étrangers, qui furent retenus dans la maison de Marc-Antoine Marcello, et fort bien traités, l'a-vogadur Nicolas Valerio et les trois chefs de l'ex-ceilenlissime conseil des Dix furent mandés; et, sans leur rien dire du fait, il leur fut ordonné d'aller avec tous les officiers de justice et beaucoup de la mestrance de l’arsenal, dans toutes les auberges, pour y prendre tous les ultramontains qui s’y trouveraient, en les emprisonnant séparément. Cela fut exécuté incontinent. Plus de deux cents personnes furent arrêtées, et ou commença à les examiner. Le matin même, on prit, dans le palais de l’ambassadeur de France, M. d’Arnault et deux des princi-: paux Français, qui étaient dans unechambretle. M. d’Arnaull fut conduit par l'avogador Nicolas Valerio lui-méme, devant l’un des inquisiteurs d'Etal; et, après avoir pris son signalement, il fut interrogé sur sou nom, son pays et sa profession. Il répondit être de la maison de M. l'ambassadeur de France, et qu’il avait toujours été militaire. Interrogé depuis combien de temps il sc trouvait dans le palais de l’ambassadeur, il répondit: « Depuis le temps qu’il était venu remplir cette ambassade, cl qu’auparavant il avait servi M. de Chain-pigny, déjà ambassadeur dans celte ville. » Interrogé en quelle qualité il était attaché à la | maison de l'ambassadeur, il répondit que c’était comme gentilhomme, cl qu’il mangeait à la table de son excellence, et était un ancien serviteur de sa | majesté très-chrétienne. Il lui fut observé que c’était uu mensonge de dire