3G8 HISTOIRE DE VENISE. parler en cestc seigneurie. Ceux qu’on a pu prendre des conjurez, aucuns ont esté eslranglczès prisons, autres pendus par les pieds aux gibets, comme c’est la coutume de telles sortes de traîtres, autres noyez dansceste mer. Et la plus grande partie de ceux qui estoient espars deçà et delà dans la ville èschambre garnies et aux hôtelleries se sont sauves et s’en sont enfuys. Nonobstant, par le bon ordre qu’on y a rnis, il ne laisse pas de jour à autre de s’en descouvrir quelques-uns, auxquels on baille les inesmes peines i qu’aux autres. On a sçeu depuis qu’un certain Ilegnaut, banny de France, a passé le pas, comme les autres,et un nommé Tornon, Savojard,qui fut autrefois de l’escalade de Genève, ont esté pendus auxdites fourches patibulaires, pour récompense de, leurs bulles prouesses, où leur ordinaire méchanceté et félonie les a enfi n meritoirement cl justement conduits. « Par autre avis reccu depuis le 21, ta seigneurie a esté grandement troublée et estonnée de l’infinité des conjurez gui se sont trouvez en leur ville; tant la trahison a trouvé de complices et compa- ; gnons. Deux frères de la ville de Vendosme ont esté pris qu’on nomme les Boileves ou Boileau. Quelques Napolitains qui, par les allées et venues dudit Uegnaut au royaume de Naples, soubs couleur qu'il avoit permission de la seigneurie d'y nègotier, ont esté noyez arvc lesdits Vendosmois dans le canal degli Innocenti. « Àu prochain ordinaire on en saura de plus amples particularités par le manifeste de la seigneurie. » On voit bien dans cc récit qu’il y avait eu une conjuration, maison n’en désignait positivement ni les auteurs ni les moyens. Le compilateur d’un recueil périodique du temps (1) voulut faire usage de cette lettre; mais comme cc recueil s'imprimait en France, et sous la surveillance de l’autorité, on en supprima tout ce qui pouvait tendre à inculper les Espagnols, et on donna cette conspiration pour une explosion non préméditée du mécontentement de quelques troupes licenciées. Extrait de la relation ci-dessus, publié dans te Mercure, sous le titre iTEntreprise sur la forteresse de Marano. « Les conspirateurs avoient gagné un sergent nommé Massa, qui estait dans la forteresse de Marano, sur les marches et les confins d’Istrie en la mer Adriatique, place forte et de grande importance à cette seigneurie, y ayant un bon port et capable de mettre à couvert une puissante armée. (1) Mercure français, 16J8, lome V, p. 38-40. I.a trame estoit que ledit Massa devoit tuer le proviseur I.orenzo Thiepolo, et en mesme temps livrer aux conjurateurs ledit port et place. Cette trahison eust facilement réussi, si elle (par la bonté et grâce divine) n’est été descouvcrte, par le moyen d’un varlet de chambre dudit proviseur et d’un pensionnaire et appoincté de la seigneurie. En cc mesme temps s’estaient cscoulés et glissés peu-à-peu dans ceste ville plus de cinq cents des soldats du désarmement qui sc faisoit au I-'rioul et en Istrie ; gens de main, qui, à certain jour et heure ditte, dévoient mettre le feu en plusieurs lieux de la ville, puis s’emparer des places les plus importantes et puis saccager toute la ville, pour de là ernpescher tous moyens et inventions pourvoir au salut et conservation de la seigneurie, qui eust sans doute esté en grands risques et péril d’estre totalement perdue i cl ruinée ; car en mesme instant notre armée navale qui estoit aux environs de Marano devait eslrc brûlée, par le moyen et invention d’un certain Jacques Pierre, François de nation, autrefois corsaire et depuis pensionnaire de la seigneurie, qui pour lors estoit en nostre dite armée, mais corrompu et gagné par les conjurateurs. Et en cc mesme temps par terre, vers le costé de Marano, allant à la forteresse l de l’aima, se devoit aussi faire un soulesvement des soldats qui restoientdu désarmement, lesquels dc-voient passer le plus promptement que faire sc pourroit vers ladite place de Marano. Bref, c’est une conjuration, qui la voudra peser, la plus épouvantable et effroyable qu’on ouyt jamais parler en cestc seigneurie. Ceux qu’on a pu prendre des conjurés, aucuns ont esté étranglez ès prisons, autres pendus par les pieds aux gibets, comme c’est la coutume de telles sortes de traistres ; autres noyez dans ceste mer, et la plus grande partie de ceux qui estoient épars deçà et delà dans la ville ès chambres garnies et aux hôtelleries se sont sauves et s’en sont enfuis. Nonobstant, par le bon ordre qu’on y a mis, il ne laisse pas de jour en jour de s’en dcscouvrir quelques-uns, auxquels on baille les mesmes peines qu’aux autres. On a sçu depuis qu’un certain Rc-gnaut, banny de France, a passé le pas comme les autres, et un nommé Tornon, Savoyard, qui fut autrefois de l’escalade de Genève, ont été pendus aux fourches patibulaires pour leur récompense. « Ceste conjuration a beaucoup d'exemples pareils dans les histoires. Ce sont des fruicts des désarmements, ou il y a toujours des mécontents pour leur solde : et lesquels, la paix faille, ne pouvant vivre qu'en guerre, taschent à surprendre des places. pour piller, se faire payer ou vendre leur surprise à l'ennemi. » Il est évident que le second de ces récits a été fait