512 HISTOIRE DE VENISE. tique. Ce ne sont pas seulement les personnes attachées à la cour de sa seigneurie révérendissime qui se permettent ces discours ; on voit aussi des ecclésiastiques nobles vénitiens, des évêques, des béné-liciers, y prendre part, soit pour faire les beaux-esprits, soit pour s’attirer les bonnes grâces du pape. Ils ne se montrent pas moins zélés que les autres pour soutenir ces opinions, et même ils ont la témérité de répéter ces mêmes propos chez eux, au milieu de leur famille et de leur société. Pour remédier à ces abus, il est arrêté que, quant aux personnes de la cour du nonce, si leurs propos ne sortent pas de cette cour, on ne s’en occupera point. Si quelques-uns se permettent de parler ainsi ailleurs que chez le nonce, on aura soin d’en faire tuer un, et même de laisser transpirer qu’il a été mis à mort par ordre du tribunal et pour celte cause ; mais en même temps on en préviendra diligemment l’ambassadeur de la république à Rome, afin qu’il puisse prendre toutes les précautions nécessaires pour la sûreté des personnes de sa maison. Les prélats nobles vénitiens qui seront assez hardis pour proférer de pareilles maximes dans la cour du nonce, seront inscrits sur un registre intitulé : Ecclésiastiques peu agréables au gouvernement. On écrira au magistrat, au recteur dans le ressort duquel sera situé leur bénéfice, pour le charger de chercher sous main s’il n’y aurail pas quelque particulier ayant une prétention bien ou mal fondée à clever contre le bénéfice ou contre le bénéficier. Ce particulier sera encouragé à la faire valoir, à demander justice, et à entamer le procès. Aussitôt tous les revenus du prélat seront séquestrés, et ce séquestre sera maintenu sous divers prétextes jusqu’à ce que le coupable se soit avisé du véritable motif de cette rigueur, el soit venu à résipiscence ; mais si c’était hors du palais du nonce qu’il eût tenu ces discours téméraires, il sera mandé, et au cas qu’il ne se présente pas, enlevé secrètement et enfermé pour longtemps; afin que ces funestes opinions soient extirpées, ou au moins que les partisans de la cour romaine soient obligés de 1 es tenir cachées, et qu’elles ne se répandent pas dans Venise. Si, après le séquestre de ses revenus et une longue incarcération, le coupable récidive, alors il sera procédé contre lui avec la dernière rigueur, parce que le mal invétéré veut être extirpé par le fer et le feu. 4° Quelques-uns de nos patriciens se permettent de faire le commerce, soit sous leur propre nom, suit sous le nom d'autrui. C’est une chose digne de grande considération et contraire à l’usage sagement introduit dans la république depuis l’an 1400, qui leur prescrit de renoncer à celte profession. Le bien public ne permet pas que celui qui doit être juge puisse être intéresse. Or il n’y aurait plus moyen de délibérer convenablement sur les affaires du commerce, si un noble ayant voix délibérative était en même temps commerçant. En conséquence il est arrêté qu’il sera défendu absolument à tout patricien de faire aucun commerce quelconque, sous son propre nom, ou sous le nom d’autrui, tant dans Venise que dehors, et tant dans les pays étrangers que dans les pays sujets, et ce sous peine de confiscation des marchandises, sans préjudice des autres peines que le tribunal jugera à propos d’infliger. Toys les trois mois il sera pris, par nous et par nos successeurs, des mesures pour l’exécution de celle disposition, en faisant appeler à l’impro-viste devant notre tribunal, deux ou trois commerçants à l’insu l’un de l’autre, pour les interroger séparément sur cet abus; si on découvre quelques coupables, il sera procédé contre eux rigoureusement, afin que tout le monde apprenne à obéir; et pour que personne ne puisse prétendre cause d’ignorance de la présente décision, elle sera proclamée par noire secrétaire dans la prochaine assemblée du grand-conseil, ce qui aura le même effet que si elle était rendue publique par la voie de l’impression. Pourront cependant les nobles placer leurs fonds à Cavnbio et à Livello, mais non autrement; et s’ils prêtaient des capitaux pour être intéressés dans une société, ces capitaux seront confisqués, pour la moitié en être remise au dénonciateur, et l’autre moitié versée dans la caisse du conseil des Dix, et en outre le patricien coupable sera exclu pour sept ans du grand-conseil. a° Un autre abus, qui n’est pas d’une moindre conséquence, s’est introduit parmi les nobles et ceux qui ne le sont pas; c’est d’envoyer des capitaux à l’étranger, et d’y acquérir des biens immeubles. Pour juger à quel point cet abus est préjudiciable au bien public, il suffit de considérer qu’en général les hommes s’affectionnent au pays où ils ont leurs intérêts; et que lorsque l’État est obligé d’établir des impôts, ces impôts ne peuvent atteindre les biens situés en pays étranger. En conséquence il est défendu à tout sujet de la république, noble ou non noble, d’avoir chez l’étranger non-seulement des immeubles, mais même aucuns capitaux placés, soit dans les fonds publics, soit autrement, rendant un intérêt, à peine de perte de la noblesse pour les patriciens et de la vie pour les non nobles. Tous ceux qui possèdent chez l’étranger des immeubles ou des capitaux devront les réaliser et eu faire rentrer le montant dans le délai de six mois ; et s'ils ne peuvent en faire effectuer le transport, les capitaux devront rester inactifs sans produire aucun intérêt. G° Il importe que des mesures soient prises pour empêcher les personnes détenues daus les prisons