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HISTOIRE DE VENISE.
« ment pour disposer de ce qui nous appartient, h d’un décime sur les revenus de notre clergé, et « pourquoi? pour l’usage le plus urgent, le plus « saint aux yeux de l’Église; eh Lien! quoi qu’on <i vienne de vous dire, nous n’en sommes encore « qu’à des promesses, et je ne voudrais pas répon-« dre des effets. S’il faut exprimer toute ma pensée, « je doute fort aussi qu’il se propose de remplir les ii engagements qu’il s’imposerait en entrant dans « notre confédération. Nous devrions nous souve-■I nir que, dans ces derniers temps, les papes ont ii souvent sollicité avec ardeur des ligues, des croi-<i sades contre les infidèles; mais combien en avons-« nous vu se réaliser, depuis que les Turcs sont « parvenus à un haut degré de puissance?
  « Est-ce dans l’empereur que vous voulez prendre « confiance? Apparemment, car je remarque qu’on « s’efforce de nous le représenter, non pas tel qu’il « est réellement, mais tel qu’il faudrait qu’il fût « pour notre intérêt. Pensez-vous que ce soit notre ii intérêt qui l’occupe? Pouvez-vous croire qu’il « désire l’agrandissement de notre république? K Vous n’avez qu’à voir sa conduite passée. Aimez-« vous mieux supposer qu’il est animé d’un zèle ar-« dent et désintéressé pour le bien général de la « chrétienté? Pour en juger, il suffit de vous rap-« peler ce qu’il vous propose. 11 parle d’une ligue u offensive contre les Turcs, mais pour la campagne ii prochaine. Cette année, il veut qu’on se réduise ii à une guerre défensive, parce qu’il a vu son terri-« toire attaqué, et il n’est pas fâché d’avoir des alliés « dont les flottes l’aideraient à se défendre, tandis ii que leurs provinces attireraient une partie de ses « ennemis. Il se fait le chef de la ligue, il se réserve « la conduite de la guerre, il nomme pour géné-« ralissime le même Doria qui nous a trahis. De « bonne foi, ne voyez-vous pas que c’est vous priver « de vos forces que de les unir aux siennes?
  « Je veux bien ne pas parler de son ambition, qui « ne tend pas à moins qu’à s’assurer l’empire de l’I— « talie. Il n’est pas permis d’en douter, ni d’ignorer ii que l’un de ses projets est de nous engager dans ii des guerres ruineuses, pour nous épuiser, et pour ■i s'emparer plus aisément de la toute-puissance, « quand notre faiblesse ne nous permettra plus d’v « mettre obstacle.
  « Mais son frère Ferdinand, le roi des Romains, « l’archiduc d’Autriche, celui-là, dit-on, a vu les « Turcs autour de sa capitale : il a son pays à dé-« fendre et des outrages à venger; aussi avec quelle « ardeur ne s’est-il pas porté à la guerre? Cela est « vrai, avouez cependant qu’il ne pouvait faire au-« trement. L’ennemi était à ses portes. Aujourd’hui, « si les Ottomans cherchent d’autres conquêtes, « pensez-vous qu’il trouvera scs peuples disposés à
aller les provoquer, après la déroute qu’il a éprouvée en Hongrie, où il a perdu son armée et sa réputation? Croyez plutôt qu’il s’estimera trop heureux de pouvoir profiter d’un moment de repos pour réparer scs pertes.
ii Jusqu’ici nous n’avons rien dit de l’état équivoque où se trouvent, l’un relativement à l’autre, le roi de France et l’empereur.
« Une trêve a suspendu la guerre qu’ils se faisaient : elle n’est que de trois mois. Il est évident qu’ils ont cédé à l’importunilé des médiateurs, à la fatigue, et non à un désir sincère de la paix. Je voudrais bien qu’on me dît où l’on prend l’espérance de voir cette trêve se consolider. On a déjà ten lé de la prolonger, et on n’y a pas réussi. Si je ne me trompe, c’est ici le point principal d’où nous devons faire dépendre notre détermination. Les succès d’une ligue sont fondés sur la bonne intelligence des confédérés. Or, comment espérer la concorde, tant que la paix entre la France et l’empereur ne sera pas conclue ? Oubliez-vous que le pape a dit que, sans cette paix, la ligue ne serait que languissante? Les ministres de l’empereur eux-mêmes ne tiennent pas un autre langage. Le comte d’Agilar à Rome, don Lopes ici, n’ont cessé de répéter, quand ils désiraient la paix avec la France, que, sans cette paix, il n’y avait rien à espérer d’une ligue de princes chrétiens contre le Turc. Que dis-je? l’empereur lui-même l’avoue.En réclamant notre alliance, il nous déclare qu’il ne peut faire face à la fois au roi de France et au grand-seigneur. Si donc ces princes peuvent, au gré de leurs inimitiés ou de leur ambition, renouveler leurs guerres, rendre notre ligue impuissante, et mettre en péril la république, la confédération et toute la chrétienté, nous serait-il interdit de saisir l’occasion qui nous est offerte pour éloigner de nous de si grands périls ?
« On dit que c’est pour nous une nécessité de recourir aux armes et de chercher des alliés, parce que la guerre est inévitable, et on le prouve en ajoutant que nous ne pouvons obtenir la paix. Cependant on vous l’offre. Mais, continue-t-on, cette paix ne sera ni sûre, ni glorieuse. Je ne saurais garantir qu’elle fût telle que je la désire ; cependant je ne crois pas qu’il soit impossible d’y trouver un abri contre le péril présent. Que si on se jette dans l’avenir, si on veut des sûretés contre toutes les chances possibles de la fortune, j'avoue qu’il n’est pas donné à la prudence humaine de pénétrer si loin, de maîtriser les événements, et qu’il n’y a point d’arrangement contre le succès duquel on ne puisse imaginer des probabilités. Mais j’admire comment ces hommes si prudents, qui ne trouvcntleursûreté que dans des garanties