LIVRE XXXV11. 253 envoyé, au mois de novembre, et qui n’avait pu obtenir des passe-ports pour Vienne, avait entamé des conférences à Turin avec un ministre autrichien, dont les pouvoirs paraissaient se borner à entendre les propositions sans même les discuter. A Paris, la négociation paraissait plus avancée : on tendait à s’accorder, disait-on, sur la cession de la Belgique, et sur les nouvelles limites de la France; mais la France exigeait aussi que l’empereur renonçât à la Lombardie; et de là naissaient deux questions d’une haute importance : l’état ultérieur de l’Italie, et l’assignation des indemnités qui pourraient déterminer l’Autriche à tant de sacrifices. 11 avait été proposé de lui donner la Bavière, en transportant la maison de Bavière en Italie, et en lui composant un État avec le Milanais, accru du duché de fllodène. Si ce projet eût reçu son exécution, la face de ■l’Europe était changée, et les événements ultérieurs étaient tout autres. Mais on apprit en même temps qu’il ne se réaliserait point, parce que la Prusse s’opposait formellement à laisser la maison d'Autriche s’agrandir en Allemagne; et la république, que cet arrangement aurait délivrée d’une cruelle inquiétude, n’avait pas droit de faire valoir cette considération auprès du cabinet prussien, dont elle avait refusé l’alliance. Une dépêche de l’ambassadeur Querini, du 2!j janvier, vint révéler des projetsd’unebienaiître importance. Une personne de la société intime d’un membre du directoire exécutif, avait entendu dire, que le gouvernement français était disposé à donner une indemnité à l’empereur, et que, l’opposition de la cour de Berlin ne permettant pas de prendre cette indemnité en Bavière,on était conduit à la chercher en Italie, d’où résultait la possibilité qu’on y affectât les provinces vénitiennes. Ce fut alors que Venise eut à se repentir de n’avoir pas mis le cabinet de Berlin dans ses intérêts. Quelques jours après, l’ambassadeur, à qui ces pnroles avaient été rapportées, chercha l’occasion d’avoir une conférence avec le membre du gouvernement à qui on les attribuait. Il lui exprima avec amertume tout ce que le système des opérations et la conduite des troupes françaises avaient d’offensant, de cruel même pour Venise, ajoutant qu’il ne voyait que trop que son gouvernement serait victime de sa bonne foi ; qu’on ne l’exhortait à la patience que pour en abuser plus longtemps; et qu’il avait la douleur de prévoir que le prix de tant de sacrifices serait un attentat à la souveraineté et à l’indépendance de sa république. Tel est le langage que, dans son rapport, le ministre vénitien prétend avoir tenu. 11 ajoute que son interlocuteur lui répondit, qu’il ne croyait point que le gouvernement français eût les pensées qu’on lui supposait; que la république de Venise n’avait qu’à se tenir exactement dans la ligne de la neutralité, à persévérer dans une conduite prudente, à éloigner tout soupçon de partialité en faveur de l’Autriche, et qu’il ne serait introduit aucune innovation contraire à ses intérêts ou à sa dignité. L’ambassadeur ne pouvait guère se llatter de persuader le gouvernement français de la loyauté et de l’impartialité de la république. La France avait au moins de son côté l'avantage d’avoir offert son alliance aux Vénitiens, et il n’est pas possible de douter qu’au moment où elle faisait et renouvelait celte proposition, elle ne lût sincère dans scs vues. Son intérêt n’était pas tant d’avoir un auxiliaire contre l’Autriche, que d’assurer sa propre armée contre les périls que pouvait lui faire courir l’infidélité des Vénitiens. XXIV. Si le récit des événements militaires dont l’Italie fut à celte époque le théâtre, a été assez clair pour qu’on se soit représenté la situation respective des deux armées, on aura vu que, plus d’une fois, les Français se trouvèrent placés entre les troupes impériales- et le territoire vénitien. Il faut considérer que l’armée française, séparée de ses frontières par de grandes’ distances, par l’Adige, le Mincio, l’Oglio, l’Adda, le Tésin et les Alpes, ne pouvait que Irès-dillicilement recevoir des renforts, ou se frayer un passage en cas de revers. L’armée autrichienne, au contraire, trouvait, après chaque défaite,'un asile dans scs montagnes, et, en reculant, se rapprochait de provinces populeuses, empressées de réparer ses pertes. Le général français sentit que la guerre serait interminable, tant qu’il ne la porterait pas au sein de ces i>rovinces mêmes, qu’il suffisait à l’armée ennemfe (^t¿#u'cher, pour recouvrer toutes ses forces. Mais, en se décidant à sortir de l’Italie par les Alpes-iSorii^ues, il lui importait encore plus de ne pas laisser.derrfère lui une nation dont les dispositions fussent hostJes*'Oï, il voyait cette nation armée, et, quand 0 aurait pu se méprendre sur la véritable destination d’un rassemblement de troupes régulières, il n’aurait pas été possible de se faire illusion sur l’armement clandestin de toute la population dc^campagnes (1). (1) Voici comme le général français lui-même exprime et français mé<ÎVa.longtemps sur 1 état des choses. 11 lui sem-résout ses incertitudes sur le parti qu’il avait à prendre. hlait impossible dj laisser ainsi sur ses derrières trois mil-(.Mémorial de Ste-Hétènc, loin. IV, p. 29.) «Le général [ lions d’iud4v (dus livrés au désordre et à l’anarchie. 11 u’avait