1IISTÔIRE DE VENISE. fui au milieu lies bâtiments de la république, il leur tira divers coups, qui obligèrent les nôtres à l'aire feu pour leur défense. Cel engagement dura quelque lemps. Le corsaire, gardant toujours son pavillon français, aborda la galéolte du capitaine Wiscowilch, dont l’équipage se défendit à l’arme blanche. Le capitaine et l’écrivain du corsaire fu-renl tués, au moment où ils allaient mettre le feu à la sainte-barbe. Ce bâtiment, qui s’appelle le Libérateur île l’Italie, porte huit pièces de canon; il était commandé par le capitaine Laugier. Le nombre des morts est de cinq, celui des prisonniers de vingt-neuf. Nous avons eu cinq blessés. » On voit que le résultat de ce rapport est qu’un bâtiment armé de huit pièces de canon, et monté par trente-quatre hommes, avait entrepris de forcer l’entrée du port de Venise, et que, lorsqu’il s’était trouvé au milieu de la station vénitienne , composée de plusieurs galères, et sous le canon des forts, il avait commencé le combat. La raison se refuse à admettre de pareilles invraisemblances. Si ces trois bâtiments se dirigeaient sur Venise, avec l’intention d’en forcer l’entrée, et bien déterminés à combattre,, comment les deux qui étaient en arrière, avaient-ils reviré de bord au premier coup de canon ? XLI11. Il existe une autre relation de cet événement, non moins authentique que la première, et irrécusable : c’est celle du sénat lui-mème. Elle fut adressée, le 26 avril, à l’ambassadeur de la république près le directoire, pour le mettre eu état de donner des explications sur cet événement. « Dans la soirée du 20 de ce mois, y disait-on, trois bâtiments armés en course se dirigèrent sur le port du Lido ; l’un d’eux s’avança hardiment, et vint mouiller près de la poudrière. Le commandant lui envoya l’ordre de démarrer. Le capitaine s’obstina à y demeurer, et commença, un moment après, à canonner une felouque de la république, qui gardait ce poste. Ce fut alors que le fort Saint-André et les autres bâtiments lui répondirent par leur feu. Quelques hommes lurent tués, les autres pris. Le bâtiment fut arrêté ; il se trouva chargé de munitions d’artillerie, et particulièrement de grenades.» Ce récit révèle une circonstance remarquable, c’est que le bâtiment arrivé à la passe y mouilla l’ancre, qu’on lui signifia l’ordre de démarrer, après qu’il eut amarré apparemment, et qu’il ne le voulut pas. Or, à qui persuadera-t-on qu’un brick de huit canons, qui se jette au milieu d’une station de plusieurs galères et sous un fort, pour les attaquer, commence par mouiller l’ancre et par s’amarrer? S’il arrivait avec l’intention de combattre, il ne pouvait attaquer trop brusquement; ce serait une singulière manœuvre, pour se préparer au combat, que de se mettre dans l’impossibilité de se mouvoir. Après avoir rapporté textuellement les deux relations vénitiennes, il est juste de les comparer à une relation française. Je ne la choisirai point dans des écrits publics, toujours plus ou moins suspects d’exagérations ou de réticences ; mais je rapporterai le compte que le ministre de France rendit de cet événement, à son gouvernement, auquel il ne devait que la vérité. Suivant ce rapport, le bâtiment du capitaine Laugier était un lougre armé de quatre canons; il allait sur la côte' d’Istrie. Chassé pendant toute la journée par deux bâtiments autrichiens, il eut besoin de chercher dans les eaux de Venise un asile contre l’ennemi et contre le mauvais temps. En passant sous les batteries du Lido, il salua le fort de neuf coups de canon, et il fut sommé de s’arrêter. Il mouilla l'ancre. Pendant cette manœuvre, un officier vénitien vint à bord pour lui ordonner d’appareiller. Le capitaine représenta que le temps était mauvais, promit de partir le lendemain, demanda un ordre par écrit, et deux chaloupes pour le remorquer. L’officier se retira, en proférant des menaces; et, pendant même que le bâtiment se disposait à obéir, le fort et les vaisseaux de la station le couvrirent de leurs boulets. Le capitaine, ayant fait descendre tout son équipage sous le pont, restait seul dehors avec son porte-voix, lorsqu’il tomba mort. A l’instant, des matelots et des soldats vénitiens sautèrent à bord du bâtiment, tuèrent quelques hommes qui essayèrent de faire résistance, dépouillèrent les autres, et les laissèrent toute la nuit nus sur le pont, après avoir pillé le vaisseau. Quelques inexactitudes qu’il puisse y avoir dans cc récit, conforme dans toutes scs circonstances aux déclarations des hommes de l’équipage, recueillies par le consul, il y a au moins quelque vraisemblance. Ce qu’il y a de certain, c’est que le surlendemain de l’événement, le sénat rendit un décret par lequel il adressait des félicitations aux commandants et aux offieiers du port sur leur conduite, et accordait une gratification d’un mois de solde aux équipages qui avaient attaqué le vaisseau français. Ce décret avait été rendu dans un moment où on se flattait encore de forcer les Français, assiégés dans les châteaux de Vérone, à capituler. Les paysans armés s’étaient emparés du fort de la Chiusa, et avaient fait main-basse sur la garnison. A Casli-glione, un détachement avait été désarmé; il y avait eu des affaires assez vives à üesenzano, à Chiari, à Valeggio. On savait que la colonne autrichienne du général Laudon descendait du Tyrol en Italie. XLIV. Mais la nouvelle accablante des préliminaires de paix entre la France et l’Autriche, signés le 18 avril, vint terrasser le gouvernement vénitien. La cession des Pays-Bas, la reconnaissance de la