HISTOIRE DE VENISE.
bat. Les confédérés attaquèrent inutilement quelques places de cette presqu’île, et bientôt les Espagnols, suivant leur coutume, prirent congé des Vénitiens, et rentrèrent dans leurs ports.
   Instruit par cette nouvelle expérience, le sénat se décida à traiter de la paix; il y trouva peu d’obstacles, les Turcs avaient conçu des inquiétudes, mais n’avaient rien rabattu de leurs prétentions. Par le traité qui fut conclu le 13 mars 1373, la république recouvra tous les privilèges dont son commerce jouissait chez les Turcs, en leur rendant la ville de Sopolo, en Albanie, seule conquête qu’elle eût faite dans cette guerre, en leur cédant l’île de Chypre, en portant le tribut annuel pour l’île de Zante, de cinq cents ducats à quinze cents, et en se soumettant à leur payer une indemnité de trois cent mille ducats. « Il semblait que les Turcs eussent gagné la h bataille de Lépantç (1). »
  Les compilateurs d’anecdotes ont rapporté qu’en
   (1) Essai sur les mœurs, chap. 160.
1609, c’est-à-dire trente-six ans après que les Vénitiens eurent perdu l’île de Chypre, notre roi Henri IV, dans une conférence qu’il eut avec leur ambassadeur, proposa son intervention pour obtenir des Turcs la restitution de cette colonie, ou à tilre de rachat, ou sous la condition d’un tribut. Henri voulait alors déterminer les Vénitiens à entrer dans une ligue contre l’Espagne. Il leur faisait des propositions qui devaient les tenter; déjà il distribuait tous les États que la maison d’Autriche possédait en Italie, la Sicile et l’Istrie aux Vénitiens, la Lombardie au duc de Savoie, assaisonnée d’une couronne royale; mais toutes ces provinces étaient à conquérir. Quant à l’île de Chypre, le roi n’avait à offrir que ses bons offices, et le succès n’en était nullement vraisemblable. Comment espérer que les Turcs se dessaisiraient d’une conquête si importante, pendant qu’ils en méditaient de nouvelles? Apparemment que l’ambassadeur de la république en jugea de même, car il répondit froidement à cette proposition, et elle n’eut aucune suite.